Fondé en 1992, le traiteur pâtissier Cannelle fait partie des incontournables de Beyrouth. Depuis 25 ans, Colette Yared Haddad adapte le savoir-faire français au goût libanais.
Tout commence au lendemain de la guerre civile. Colette Yared Haddad, qui avait déjà travaillé dans un salon de thé mais était très déçue par la qualité des gâteaux, décide de tenter sa chance. « J’ai toujours aimé le sucre », confie-t-elle. D’un premier voyage à Paris, elle rapporte du matériel et un intervenant pour l’aider à ouvrir, avec son partenaire Daniel Haddad, une première pâtisserie. Cannelle naît donc à Achrafié, dans le quartier de Karm el-Zaytoun.
Le local est petit, mais le succès est immédiat. « Rien qu’avec le bouche-à-oreille je n’arrivais plus à répondre aux commandes et, tout de suite, nous avons été copiés », se souvient-elle. Au menu, Cannelle propose des gâteaux français revisités, de la boulangerie, du chocolat, des glaces… Le ticket moyen est d’environ 2 000 livres libanaises pour une baguette et 60 000 livres pour un gâteau pour huit personnes. Quatre ans plus tard, les affaires se portent bien et Colette Yared Haddad ouvre un second magasin à Tabaris. « À l’époque il n’y avait rien à cet emplacement, c’était encore une ligne de démarcation entre Beyrouth-Est et Ouest, mais je voulais relever le défi et vendre à la clientèle des deux côtés », explique-t-elle. De fait, le carnet de commandes ne désemplit pas, le pari est amplement réussi.
Au début des années 2000, la pâtissière rêve d’expansion en franchise. Dubaï, Arabie saoudite, Qatar et Syrie… Cannelle signe plusieurs contrats, aujourd’hui tous passés à la trappe. « J’étais très sollicitée, je pensais que cela ferait grandir la marque, mais ça n’a pas marché du tout », explique la propriétaire, qui ne souhaite pas s’étendre sur les mauvaises relations avec les franchisés.
En 2008, Cannelle poursuit son expansion au Liban avec une nouvelle boutique à Verdun. « J’ai toujours eu beaucoup de clientèle dans ce quartier, l’idée était de me rapprocher d’eux », dit Colette Yared Haddad. Au début l’opération est un succès mais, en 2014, des contraintes sécuritaires poussent les pouvoirs publics à barrer la route où est située la boutique avec de gros blocs de béton. Depuis, Cannelle Verdun peine à réaliser un cinquième de son chiffre d’affaires habituel, mais la propriétaire ne souhaite pas céder son bien.
C’est finalement sur la qualité des produits que Colette Yared Haddad recentre son attention. En 2014, elle et son partenaire investissent 700 000 dollars dans un nouveau laboratoire situé dans le quartier de Baddawi. D’une superficie de 780 m2 répartis sur trois étages, ce laboratoire peut desservir plusieurs boutiques.
En parlant d’avenir, Colette Yared Haddad souhaite être prudente. Du fait notamment de la paralysie de la boutique de Verdun, le chiffre d’affaires de l’entreprise stagne depuis deux ans. L’entreprise réalise environ 80 % de ses revenus en vente directe. Seuls 20 % proviennent des services de traiteur. Colette Yared Haddad a donc intérêt à augmenter les ventes en boutique et, pour ce faire, elle suit de près les nouvelles tendances. Après avoir hésité par exemple à se lancer dans les produits sans gluten et sans lactose, elle a ajouté à sa carte des pâtisseries américaines comme le cheesecake, le carrotcake ou le brownie, qui plaisent à la clientèle jeune, dit-elle.