Après plusieurs années d’investissement massif dans le marché obligataire, en raison des multiples turbulences économiques – 16 000 milliards de dollars ont été injectés par les banques centrales américaine, européenne et japonaise dans le cadre de leur politique d’assouplissement – et un été marqué par une attitude attentiste, liée notamment au Brexit, les marchés boursiers ont repris de plus belle à partir du dernier trimestre de l’année écoulée, encouragés, entre autres, par les résultats financiers positifs de nombreuses compagnies aussi bien aux États-Unis qu’en Europe et en Asie, et l’élection de Donald Trump, perçu par les investisseurs comme un homme d’affaires pragmatique. « Les principaux indices boursiers affichent des performances substantielles depuis le début de l’année, à l’instar du MSCI World qui était en hausse de 4,5 % en euro et de 9,8 % en dollars à la mi-mai, en termes nets », indique Christina Azouri, conseillère en placements à la CA Indosuez Switzerland. Aux États-Unis, l’embellie s’est même apparentée à une euphorie ; l’indice Dow Jones a ainsi augmenté d’environ 20 % entre début novembre – quelques jours avant l’élection du nouveau chef d’État américain – et la mi-juin, passant de moins de 17 900 à près de 21 400 points. Quant au Nasdaq, il a bondi de 22 % au cours de la même période, pour atteindre 6 200 points contre 5 100 à la fin du mandat Obama. Si la frénésie s’est récemment estompée, à l’ombre d’incertitudes croissantes liées à l’affaire du licenciement du directeur du FBI ainsi qu’aux doutes sur la capacité à mettre en application certaines réformes promises par Trump, le niveau de valorisation des actions américaines reste élevé, tandis que le marché boursier européen gagne en attractivité, conforté par une « combinaison de données économiques supérieures aux attentes, ainsi qu’une croissance de 20 % des bénéfices des compagnies, et une faible probabilité que la BCE procède à une première hausse de taux avant la fin de l’année 2018 », souligne Christina Azouri. Cela a encouragé l’afflux de capitaux vers le marché boursier européen. « Désormais, des fonds de pension et autres types de structures y investissent de nouveau, encouragés par des actions aux évaluations encore faibles, comparées au marché américain, donc au fort potentiel de croissance », souligne Georges Abboud, directeur de la banque privée à la BlomInvest. Preuve d’un appétit crescendo, le DAX et le CAC 40 ont enregistré une croissance respective de 10,3 % et 6,9 % depuis le début de l’année. Quant aux principaux indices boursiers d’Espagne, du Portugal, de la Pologne et de la Grèce, ils ont progressé respectivement de 13,7 %, 12,2 %, 17,9 % et 24,3 % au cours de la même période.
Si le marché boursier américain est désormais moins attractif – sa part dans les portefeuilles diversifiés a été revue à la baisse par plusieurs banques privées –, il reste néanmoins des opportunités à saisir à Wall Street, notamment pour les actions des grandes compagnies, telles que Amazon, Google et Apple, tempère Georges Abboud. « L’investissement dans des secteurs spécifiques, tels que la bionique, l’innovation – y compris la fintech et l’intelligence artificielle – ainsi que la robotique, est en outre vivement encouragé, d’autant que la croissance, désormais exponentielle, de ces secteurs n’est que faiblement tributaire de l’évolution de la conjoncture globale », ajoute-t-il. Cette option de placement concerne aussi bien le marché américain que d’autres pays à l’avantage comparatif dans ces domaines spécifiques à fort potentiel de croissance. À titre illustratif, le secteur mondial de la robotique médicale devrait croître à hauteur de 22 % par an jusqu’en 2022, tandis que l’impression en 3D dans le secteur de la santé connaît également une croissance soutenue qui devrait se poursuivre dans les cinq années à venir.

Favoriser l’Asie, éviter l’Amérique latine

En dehors de la sphère boursière occidentale, marquée désormais par un regain d’intérêt pour l’Europe au détriment des États-Unis, les investisseurs se tournent également vers l’Asie, dont les taux de croissance élevés augurent d’une performance boursière positive. Qu’il s’agisse des places chinoise, indienne et coréenne, mais aussi indonésienne et pakistanaise, les conseillers en placement misent désormais davantage sur une zone où les compagnies, en particulier technologique, continuent d’afficher des taux élevés de croissance. « En Corée du Sud, le nouveau président pourrait intensifier les réformes, tandis qu’en Inde, l’éventuelle adoption de la réforme de la TVA doperait le PIB », ce qui devrait se répercuter de manière positive sur les marchés boursiers, souligne Christina Azouri. « Le potentiel d’investissement dans les marchés boursiers des “frontier economies”, comme le Bangladesh, est, en outre, de plus en plus intéressant », ajoute Paul Douaihy, ancien analyste chez HSBC.
Quant aux grandes économies, telle que la Chine, l’intérêt renouvelé s’explique par une croissance plus élevée que prévu en 2016 et par la poursuite d’une politique de relance par le crédit, désormais fortement revigorée, en sus d’un recours massif à l’investissement public.
Reflétant un appétit croissant pour les bourses asiatiques, l’indice chinois CSI 100 a progressé de 10,4 % entre début janvier et la mi-juin, tandis que le S&P BSE SENSEX indien a bondi de 17,9 % au cours de la même période.
Quant au Japon, il constitue également une option de placement assez intéressante. Le Nikkei 225 a connu une croissance positive, quoique relativement chétive comparée aux autres indices asiatiques, d’environ 3,8 % au premier semestre. « Nous continuons de privilégier ce marché, surtout que les indicateurs s’améliorent au fur et à mesure, tandis que les marges de profit des sociétés cotées sont assez amples, soutenues par des investissements qui affluent désormais dans le pays », souligne Nadim Kabbara, directeur du département de recherche à la FFA Private Bank.
Si les gains engendrés dans les bourses asiatiques ont été jusque-là importants, « le résultat net, après conversion en dollars, est, en revanche, moins alléchant pour les investisseurs internationaux, en raison de la dépréciation de plusieurs monnaies locales face au billet vert », à l’exception de la roupie indienne qui s’est appréciée d’environ 6 % au premier semestre, nuance Georges Abboud. Ce facteur de risque, « en sus d’une éventuelle hausse plus rapide que prévu des taux américains continue d’ailleurs de peser sur les marchés asiatiques et émergents de manière générale », souligne-t-il.
En revanche, une chose est sûre dans l’arène “Actions” : les investisseurs et leurs conseillers continuent de bouder certaines zones émergentes, notamment l’Amérique latine, en raison des risques politiques et financiers majeurs qui sous-tendent leur performance boursière, tandis qu’en Russie, la Bourse a toujours du mal à décoller, en dépit de la stabilisation progressive du rouble, de la hausse relative des cours pétroliers – depuis la dégringolade à moins de 30 dollars –, ainsi que l’apaisement relatif sur le front de la crise ukrainienne. L’indice boursier principal, RTS Index, a même connu un repli de 14,7 % depuis le début de l’année.
Mais au-delà de cette répartition géographique, les investisseurs devraient privilégier une approche sectorielle, estiment certains spécialistes. Selon Nadim Kabbara, « il faut éviter ou minimiser l’investissement dans les actions pétrolières ou gazières, quel que soit le pays d’origine, en raison de la volatilité qui caractérise le marché malgré la récente stabilisation, tandis que les secteurs de l’industrie, de la technologie et de la santé, notamment les grandes compagnies pharmaceutiques, sont moins risqués ».