Un article du Dossier

Restos, bars, cafés - Beyrouth 2017

Le secteur de la restauration à Beyrouth a bénéficié en 2017 d’une conjoncture plus favorable que l’an passé. Malgré quelques ombres au tableau, on observe tout de même le retour à une relative stabilité politico-sécuritaire qui semble rassurer les investisseurs.

Retour du tourisme

Les professionnels du secteur ne sont pas les seuls à redonner une chance à Beyrouth, les touristes eux aussi reviennent peu à peu. Selon les chiffres du ministère du Tourisme, le Liban enregistre une augmentation de 17,5 % du nombre de touristes durant les quatre premiers mois de 2017, passant ainsi à 503 805 visiteurs contre 428 947 sur la même période l’an passé. La répartition par nationalité signale une croissance du nombre de touristes arabes, dont certains avaient, un temps, boycotté le Liban en raison de la crise diplomatique avec les pays du Golfe. Ils sont ceux qui reviennent le plus et se taillent la part du lion avec 179 828 individus, soit 36 % du total, rapidement suivis des Européens avec 163 002 individus ou 32 % du total.
Ainsi, le taux d’occupation moyen des hôtels à Beyrouth a atteint les 62 % au premier trimestre 2017, contre 56,3 % à la même période en 2016, selon le cabinet Ernst & Young. Après de véritables années noires, cette hausse de la fréquentation a permis aux hôteliers de remonter légèrement leurs tarifs par chambre.
Ces chiffres encourageants devraient se confirmer tout au long de l’année. Pour la saison estivale, cette fois-ci encore concomitante avec le Ramadan, les fêtes du Fitr et de Adha, hôteliers et restaurateurs ont en effet enregistré de très bonnes réservations.
Le nouveau ministre Avédis Guidanian, qui succède à Michel Pharaon, s’est engagé à promouvoir le Liban auprès de 150 tour-opérateurs étrangers via l’initiative Visit Lebanon 2017.

Ouvertures/fermetures

Ce contexte encourageant se reflète sur le secteur de la restauration qui enregistre une croissance de 5,3 % : il enregistre 182 ouvertures pour 135 fermetures. Ce chiffre est d’autant plus notable que l’année dernière avait été marquée par la stagnation.
Dans les onze zones recensées dans le cadre de cette étude (Bliss, Hamra, Zone du Parc, Verdun, centre-ville, Zaitunay Bay, Gemmayzé, Mar Mikhaël, Sassine, Monnot-Sodeco, Badaro), Hodema a comptabilisé 59 285 places assises au total contre 56 986 en 2016, soit une augmentation de 2 299 chaises. Mais poursuivant la tendance des années précédentes, les restaurants et bars continuent à réduire leurs surfaces avec une capacité moyenne qui s’établit à 63 places contre 68 en 2015.

“Syrianisation” des ressources humaines

Malgré un bilan plutôt positif, force est de constater que le secteur de la restauration souffre toujours d’un mal structurel : des ressources humaines sous-qualifiées. Une situation d’autant plus paradoxale que le Liban dispose d’une soixantaine d’écoles hôtelières et de centres de formation, mais ceux-ci ne comblent pas le manque. Trop souvent, les jeunes diplômés libanais préfèrent s’expatrier vers des pays où ils toucheront un meilleur salaire, ce qui a pour conséquence de réduire la qualité du service d’année en année.
Les restaurants libanais, qui pour la plupart n’ont pas de programmes de formation en interne, ont du mal à recruter de bonnes équipes et se replient souvent sur une main-d’œuvre étrangère, majoritairement syrienne, certes peu coûteuse, mais généralement moins qualifiée.

Le succès des malls et des clusters

À l’échelle du pays, on sent clairement les effets de l’arrivée en force des grands centres commerciaux et des clusters. Rien que cette année, trois mastodontes vont ouvrir leurs portes : l’ABC de Verdun, The Spot à Choueifate et Cascada Mall dans la Békaa. Chacun d’entre eux modifie considérablement le visage du quartier ou de la région où il s’installe avec en tout 240 000 mètres carrés de surface locative supplémentaire dans le pays. On attend aussi l’ouverture prochaine de plusieurs nouveaux centres à Beyrouth, à Byblos et à Tripoli.
Parallèlement au développement des centres commerciaux, plusieurs propriétaires fonciers confrontés à la stagnation, voire la baisse des prix de l’immobilier, choisissent de transformer leurs biens en conglomérats de restaurants et de boutiques. Cette tendance a gagné Beyrouth et sa proche périphérie avec une augmentation en flèche du nombre de clusters. Malgré l’ouverture de grands complexes à Hazmié et Dbayé, les investisseurs ne lèvent pas le pied au contraire : on annonce déjà de nouveaux projets à Achrafié, Ramlet el-Baida et au Biel.

D’autres modèles : du kiosque au restaurant

Le succès des marchés comme Souk el-Tayeb et Souk el-Akel se confirme cette année encore. Ils se développent même à l’extérieur de Beyrouth. Ces événements ne servent plus uniquement à animer les rues, mais ce sont aussi des tremplins pour les débutants qui, après un passage fructueux en kiosque, s’institutionnalisent en ouvrant de véritables enseignes, notamment du côté de Mar Mikhaël qui semble être leur destination favorite.
Mais le modèle séduit aussi les marques existantes qui veulent lancer un produit spécifique à l’image de la “pizza donut” de Dunkin’ Donuts ou encore le “sushi burrito” de Ichiban. Cette stratégie est moins risquée et moins coûteuse que d’ouvrir une nouvelle enseigne, car elle permet de tester le produit auprès de la clientèle sans avoir besoin d’élaborer un modèle économique. D’ailleurs, la plupart du temps, les marques n’utilisent pas leur nom à ce stade. Elles mettent en avant le produit et, si c’est un succès, il rejoint le menu de l’enseigne ou se développe sous une enseigne indépendante.
Dans la même veine, on observe aussi cette année le succès des concepts monoproduit. Ces petits établissements, qui ressemblent à des snacks de rue améliorés où l’on mange sur le pouce et pour pas cher, sont spécialisés sur un seul produit, parfois décliné en plusieurs recettes. C’est le cas des tacos, des burgers, desserts glacés ou encore des crêpes.

Quelques tendances

La vie nocturne reste un segment de marché très fort avec des boîtes de nuit comme Discothèque, Grand Factory-Reunion ou The O1NE, qui sont un vrai succès. Les rooftops, ces toits d’immeubles aménagés en bars-restaurants, constituent aussi une valeur sûre et s’étendent aujourd’hui en dehors de Beyrouth avec de nouvelles ouvertures dans la région de Dbayé.
Autre tendance, les concepts “bons pour la santé” qui ne cessent de fleurir à travers la ville. On retrouve ainsi de plus en plus d’établissements proposant quelques produits ou se spécialisant tout simplement dans le sans gluten, sans lactose, dans les “superfoods”, les thérapies au jus de fruit ou les compléments alimentaires.
Les franchises de grandes marques internationales semblent en revanche en perte de vitesse, avec quelques fermetures emblématiques comme Shake Shack. Sauf quelques enseignes incontournables comme Starbucks ou Paul, la clientèle libanaise semble privilégier les concepts locaux et les marques développés par des indépendants. Les restaurants libanais sont d’ailleurs en train de gagner de plus en plus de parts de marché en partant à la conquête de nouveaux quartiers comme, par exemple, la Zone du Parc ou Mar Mikhaël dont la quasi-totalité des enseignes sont nées au Liban.
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