Hassan Assafiri

Après la Fondation Safadi, qui avait tiré la sonnette d’alarme en mai dernier sur la situation socio-économique à Tripoli, la Banque mondiale a publié un rapport non moins alarmant sur le marché du travail au Liban-Nord, une région où 36 % de la population vit sous le seuil de pauvreté (contre une moyenne nationale de 27 %).

Dans un rapport publié en octobre, la fondation estime la population en âge de travailler (entre 15 et 64 ans) dans le Nord à 610 000 individus, le réservoir le plus important après celui du Mont-Liban. Mais sur ces 610 000 individus, seuls 289 000 sont actifs. Les quelque 321 000 restants, soit 53 % de la population de plus de 15 ans, ne travaillent pas et ne sont pas à la recherche d’un emploi. Ce fort taux d’inactivité s’explique essentiellement par la très faible participation des femmes, et des jeunes, au marché du travail.

Parmi la population dite active, seules 26 000 personnes environ sont officiellement au chômage, soit un taux de 9 % (en 2016) ; inférieur à la moyenne nationale estimée à 11 % (dernière donnée disponible trouvée par World Bank (2012) “Lebanon, Good Jobs Needed: The Role of Macro, Investment, Labor Education and Social Protection Policies”). Mais ce faible taux camoufle une autre réalité : la prédominance du travail informel. Selon la Banque mondiale, 85 % des salariés du Liban-Nord sont employés dans le secteur informel. « Pour subvenir aux besoins de sa famille, le responsable du foyer ne peut pas se permettre d’être au chômage étant donné le manque d’allocation de chômage au Liban. Il/elle est donc contraint d’accepter l’emploi qui lui est présenté même si celui-ci ne correspond pas à ses capacités ou diplômes, ou à ouvrir à son propre compte », précise Angela Elzir Assy, spécialiste de l’emploi auprès de la Banque mondiale. L’ampleur du phénomène illustre le niveau de précarité de la population et reflète les faibles opportunités existantes dans le secteur formel, dominé par de petites et microentreprises qui créent très peu d’emplois et ont un faible potentiel de croissance. En effet, près de 95 % des entreprises de la région emploient moins de cinq personnes.

Or, selon les estimations de la Banque mondiale, le Liban-Nord doit créer environ 8 000 emplois par an d’ici à 2025 pour accompagner la croissance estimée de la population active, due à la croissance démographique.

Pour ce faire, la fondation recommande, à court terme, de soutenir les petites et moyennes entreprises et les personnes qui travaillent à leur compte, et de les aider à déployer leurs services ou leurs produits sur l’ensemble du territoire, voire même de les exporter. La Banque mondiale propose aussi de mettre en place des projets favorisant la création d’emplois durables dans certains secteurs, comme, par exemple, la chaîne de valeur de la pomme de terre et celle de la gestion des déchets et du recyclage. L’organisme appelle à terme à renforcer la situation stratégique de la région Nord, pour lui permettre de jouer un rôle central dans la reconstruction de la Syrie.

En parallèle, la région a intérêt à augmenter son taux d’activité à travers des campagnes ciblant les femmes et les jeunes. La participation des femmes au marché du travail « génère plusieurs externalités positives, rappelle Angela Elzir Assy. Cela permettrait d’augmenter les revenus du foyer et d’assurer une éducation plus poussée et une meilleure alimentation aux enfants ».