Un article du Dossier

Les voitures d'entrée de gamme et de luxe soutiennent le marché

Moins polluants mais plus chers, les derniers carburants aux normes européennes n’ont toujours pas d’autorisations pour entrer au Liban. Un manque à gagner pour le secteur.

G.D.

Appliquées depuis 1992, les normes européennes d’émissions visent à limiter les rejets de polluants des véhicules neufs. La dernière du genre, “Euro 6”, est entrée en vigueur le 1er septembre 2014. « Le problème au Liban c’est que nous importons de l’essence aux normes “Euro 3” », souligne Sélim Saad, conseiller pour l’Association des importateurs d’automobiles (AIA). Or, l’utilisation de ce carburant sur des modèles de voitures récents peut entraîner des défaillances au niveau du moteur. Certains constructeurs européens refusent même de livrer leurs nouveaux véhicules au Liban. Le président-directeur général de Kettaneh, Émile Mabro, chiffre ce manque à gagner à près de 20 % des ventes pour la marque Volkswagen. « Au lieu de vendre 700 modèles, je n’en écoule que 550 », regrette-t-il. « C’est une aberration, renchérit Sélim Saad, car l’essence aux normes “Euro 6” est moins polluante. Elle renferme 10 ppm (partie par millions) de soufre par litre quand celle utilisée actuellement contient 500 ppm de soufre par litre. »  Le coût supplémentaire ne devrait pas dépasser à la pompe les 300 livres par 20 litres, annoncent de leur côté les importateurs de combustible. Depuis des mois, les acteurs du secteur pressent le gouvernement d’adopter un décret alignant la réglementation libanaise aux normes européennes. En vain. « Il y a des intérêts politiques et financiers évidents, comme toujours au Liban », souffle un concessionnaire. Auteure de nombreuses études sur l’impact du trafic routier sur l’environnement libanais, la chercheuse Najat Saliba concède qu’une telle mesure pourrait contribuer à réduire la pollution. La directrice du laboratoire d’analyses atmosphériques à l’Université américaine de Beyrouth (AUB) préconise, elle, une lutte concentrée en priorité sur le parc automobile libanais vieillissant et la congestion du trafic. « Les gaz d’échappement augmentent les risques de maladies cardio-vasculaires, de diabète ou de maladie d’Alzheimer, note la chimiste. La pollution peut être réduite de 40 % si la circulation est fluide. La solution idéale serait la mise en place d’un service de transports en commun structuré », défend-elle. Un projet de ligne de bus reliant Beyrouth à Tabarja et financé par la Banque mondiale a été adopté en juin par la commission parlementaire des Travaux publics, des Transports et de l’Eau. Le plan qui devrait être exécuté par le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) prévoit aussi le développement d’un réseau de bus pour le Grand Beyrouth. Mais le projet devrait cependant prendre plusieurs mois avant d’être mis en œuvre. Autre piste avancée par la chercheuse : des espaces de stationnement réservés aux taxis et services dans la capitale pour fluidifier le trafic. De telles décisions iraient dans le sens des engagements pris par le Liban lors de l’accord sur le climat en 2016 à Paris. Le pays prévoit de réduire ses émissions de gaz à effet de serre (CO2) de 15 % d’ici à 2030 sans financement supplémentaire et jusqu’à 30 % si le pays reçoit une aide de la communauté internationale.

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