Un délit commis à grande échelle, pendant très longtemps, n’en reste pas moins un délit. Et l’évasion fiscale, aussi généralisée et banalisée soit-elle, en est un. Même si dans un État défaillant comme le Liban, les circonstances sont atténuantes.

Profiter du secret bancaire pour payer moins d’impôts est compréhensible, que celui qui ne l’a jamais fait jette la première pierre. En revanche, défendre ce qui reste de ce fameux secret bancaire au nom de l’évasion fiscale est moralement injustifiable.

Et si l’attractivité des banques locales se limite à leur capacité à protéger leurs clients du fisc libanais, à défaut de pouvoir les préserver désormais du fisc étranger, il est peut-être temps de trouver un autre modèle de survie. Car l’État a besoin d’argent, et une hausse des recettes fiscales ne serait pas de refus.

La plupart des pays développés ont fait de la lutte contre l’évasion fiscale leur cheval de bataille. S’indigner que l’administration libanaise, malgré tous ses défauts, veuille faire pareil a quelque chose d’indécent. Surtout quand ceux qui s’insurgent sont ceux qui, de retour de Paris ou de New York, critiquent l’état de délabrement des infrastructures et des services publics, et le « manque de civisme des Libanais ».

On ne peut pas dénoncer les violations du code de la route ou le vol de courant électrique dans la banlieue sud, et soutenir la délinquance fiscale. Mais on peut, et on doit, proposer des réformes et des aménagements fiscaux, s’intéresser aux finances publiques, dénoncer la corruption et exiger de la transparence.