De ces compadres, JCC est le plus secret. Coutumier des appels d’offres de la ville de Beyrouth, la société a été fondée par l’entrepreneur Jihad al-Arab en partenariat avec deux de ses frères. Le nouvel homme fort des poubelles est, en plus, le vice-président du syndicat des entrepreneurs publics, mais malgré cette position publique, il refuse les interviews à la presse.

On le sait proche de la famille Hariri : l’un de ses frères et partenaires, Abdel Kader al-Arab, est notamment le chef de la sécurité personnelle du Premier ministre, tandis que leur oncle, Yehya al-Arab, était le chef de la sécurité de Rafic Hariri. Il fut tué avec lui lors de l’attentat de 2005.

Parmi les nombreux contrats publics qu’il a pu obtenir, citons le remblayage de l’ancienne décharge sauvage du Normandy, au centre-ville de Beyrouth. Selon le site de l’entreprise, le projet incluait l'excavation, le tri, le traitement et l'élimination d’un million de mètres cubes de déchets inertes pour 110 millions de dollars. Il faut aussi citer la construction du port de pêche de Saïda (18,8 millions de dollars) en 2014 ainsi que la réhabilitation de l’ancienne décharge sauvage de la ville (25 millions de dollars, dont 4 millions destinés à Suez pour son travail de consultant). Son nom figure également parmi les candidats à l’appel d’offres pour la construction et la gestion du futur centre de revalorisation énergétique des déchets (Waste to Energy) de la capitale libanaise. JCC s’est ici associée à une société française CNIM, qui propose des usines “clés en main”, selon le site de l’entreprise.

L’émergence de cette entreprise parmi les principaux acteurs du secteur du BTP date de l’époque de la reconstruction : elle exécute au départ de petits travaux (moins de 10 millions de dollars) pour le compte de l’ancêtre du CDR, le Conseil exécutif des grands projets de la ville de Beyrouth, et de Solidere. Progressivement, les portes du ministère des Travaux publics, de la municipalité de Beyrouth et du CDR, qui est alors créé, s’ouvrent à lui. Ses différentes sociétés – Jihad el-Arab est aussi implanté dans le béton ou l’asphalte – peuvent désormais prétendre à de “gros” contrats, de plus de 20 millions de dollars. Selon le quotidien al-Akhbar, en 2015, JCC a engrangé quelque 63 millions de dollars de deniers publics, un positionnement qui fait de lui l’un des dix grands acteurs du secteur. Mais sa montée en puissance au cœur de la filière des déchets lui permet de changer d’échelle : ce sont plus de 250 millions de dollars de deniers publics qui lui ont été attribués depuis 2016.

Discret, Jihad al-Arab fait malgré lui la une de la presse : le 12 mai 2016, le CDR attribue à son entreprise la construction de la nouvelle décharge côtière du Costa Brava pour un montant de 72 millions de dollars. Mais le 29 juin, rebondissement : le CDR annule le contrat ! Le vainqueur de l’autre décharge, celle de Bourj Hammoud, vient d’être dévoilé – Dany Khoury Contracting remporte le contrat pour 109 millions de dollars, un prix qui comprend la réhabilitation de l’ancienne montagne de déchets de Bourj Hammoud, son remblaiement et la construction de nouvelles cellules pour entreposer les déchets. La comparaison des deux offres, à prestations égales, révèle une nette surévaluation des prestations au Costa Brava. Cela n’empêchera pas Jihad al-Arab de postuler au second appel d’offres, organisé dans l’empressement et… de l’emporter avec, cette fois, un prix revu à “seulement” 59,5 millions de dollars, soit 12,5 millions de dollars de moins que la première offre. Aucune justification ne sera apportée à ce différentiel.

Ce qu’il a perdu lors de l’appel d’offres de Costa Brava, JCC pourrait bien l’avoir d’ores et déjà récupéré grâce au contrat de gré à gré qui vient de lui être accordé pour l’agrandissement de Costa Brava : le CDR lui aurait accordé 100 millions de dollars pour une extension de 150 à 200 000 m2 supplémentaires (avec, il est vrai, la construction du site de compostage d’une capacité de 750 tonnes/jour in situ dont le coût a été estimé à 8 millions de dollars) quand auparavant JCC avait dû se contenter d’un peu moins de 60 millions de dollars pour 160 000 m2. 


Principales activités 

- Gestion des usines de tri de la Quarantaine et de Amroussié, et gestion du centre de compostage Coral de la Quarantaine : 81 millions de dollars sur quatre ans.

- Modernisation de l’usine Coral de compostage : 8 millions de dollars.

- Gestion de l’ancienne décharge de Naamé : 10,3 millions de dollars sur un an.

- Construction et gestion de la nouvelle décharge sanitaire de Costa Brava : 59,5 millions sur quatre ans.

- Extension de la décharge de Costa Brava : contrat de gré à gré de 100 millions de dollars, selon le quotidien al-Akhbar. Y est incluse la construction d’un nouveau centre de compostage de 750 t/j sur le site.