Détenue par Saad Hariri, la société française d'ingénierie de la construction a fait les frais des déboires de Saudi Oger. 

Le Louvre d'Abou Dhabi, un chantier piloté par Oger International
Le Louvre d'Abou Dhabi, un chantier piloté par Oger International

La société française d’ingénierie de la construction Oger International, détenue par Saad Hariri, a été rachetée le 5 mars dernier par l’homme d’affaires jordanien Alaa al-Khawaja.

Alaa al-Khawaja s’est porté acquéreur de 100 % du capital par l’intermédiaire de sa holding française AMK Capital Investment.

Victime des déboires de sa maison-mère, Saudi Oger, la filiale française avait mis en place un plan de sauvegarde en août 2017, afin de geler les dettes et d’éviter un dépôt de bilan.  « Nous en sommes sortis en février, notre endettement net n'est plus que de 21 millions d'euros remboursables sur dix ans, notre reprise en mars a été assortie par le nouvel actionnaire d'une injection de 11,6 millions [d’euros, NDLR] et d'une garantie d'emploi de trois ans, le temps de déployer notre nouvelle stratégie », explique le président d’Oger International, le Libanais Omar Joseph Baroud, dans une interview au quotidien français Les Echos.

« Nous avons déjà en partie compensé l'impayé de 48 millions d'euros de l'an dernier. 2018 est une année de transition, où l'activité va se stabiliser et nous renouerons avec la croissance et la rentabilité opérationnelle en 2019 ».

Installé en Egypte, Alaa al-Khawaja est à la tête d’un véritable conglomérat international. Ces dernières années, il a réalisé plusieurs investissements dans le secteur des banques et de la finance ainsi que dans les télécommunications, les médias, les technologies, l’hôtellerie et le secteur pharmaceutique. 

Au Liban, il a ainsi repris les parts d’Ayman Hariri (42,24 %) dans la banque BankMed pour un montant de 535,2 millions de dollars en 2017.

C’est cependant la première fois « qu'il investit dans le secteur de la construction », souligne le communiqué d’Oger International. « C’est une nouvelle page de notre histoire qui peut désormais s’écrire », ajoute-t-il. La société, dont les contrats avec les pays du Golfe représentaient à une époque 60 à 70 % du chiffre d’affaires, assure désormais vouloir se concentrer aussi sur la France. L'entreprise emploie 350 salariés et a réalisé un chiffre d'affaires de 42 millions de dollars en 2017.  Parmi ses chantiers emblématiques en France, on peut citer la construction de Villages Nature, ouvert en septembre près de Disneyland Paris ou encore de l'hôpital d'Orléans, qui a été le plus grand chantier hospitalier de France. Dans les pays du Golfe, la société a récemment piloté le chantier du Louvre Abu Dhabi. 

Oger International a été rachetée par Rafic Hariri en 1979 et adossée à Saudi Oger. Cette société de BTP, basée en Arabie saoudite, a fait la fortune du Premier ministre assassiné grâce aux contrats octroyés par l'Etat saoudien, notamment sous le règne du roi Fahd ben Abdelaziz. Les deux hommes avaient noué une relation privilégiée qui n'a pas survécu à leurs successeurs respectifs.  

L’arrivée au pouvoir du roi Salmane en 2015 marque un tournant d’autant plus radical que son accession à la tête du royaume coincide avec une baisse des cours du pétrole, lesquels passent abruptement de 110 à 30 dollars le baril. Le royaume freine alors ses dépenses et l’ensemble du secteur de la construction ralentit. L’Etat n’octroie plus de nouveaux contrats à Saudi Oger et refuse aussi de lui régler d'anciens projets, sur fond d'accusations de corruption et de malversations. Saudi Oger a été placée en faillite en 2017, laissant ses centaines d'employés et ses créanciers sur le carreau. Fin avril, l'agence Reuters a affirmé en citant deux sources anonymes que le Royaume avait chargé une commission de restructurer la dette de l'entreprise, sachant que l'Etat saoudien doit plusieurs milliards de dollars à Saudi Oger et que cette dernière doit environ 3,5 milliards aux banques locales. 

Les sources citées ont toutefois écarté la possibilité que le Royaume ressuscite Saudi Oger après la restructuration, contrairement au groupe Saudi Binladin qui serait repris par l'Etat.