C’est une histoire de famille comme celle que l’écrivain Charif Majdalani aime parfois à les narrer : en 1929, l'arrière-grand-père de l’artiste Rayyane Tabet (1983), du doux nom de Faek Borkhoche (1895-1981), est nommé “drogman”. Une fonction un rien mystérieuse, propre à l’organisation de l’Empire ottoman, qui tient à la fois du secrétaire particulier et du traducteur. Son patron ? Le diplomate (et espion) allemand Max von Oppenheim (1860-1946), considéré comme le dernier grand explorateur-archéologue-amateur du Proche et du Moyen-Orient.

Le pouvoir de la Sublime Porte cherche à savoir notamment ce que von Oppenheim, qui affirme vouloir établir une nouvelle route ferroviaire pour rejoindre Bagdad, a bien pu découvrir sur le site de Tell Halaf, situé dans le nord de la Syrie, à proximité de la frontière turque.

La réponse est simple : il y met à jour l’un des très beaux sites hittites existants, cette civilisation disparue qui y avait établi la ville de Guzana (ou Gozan), soit la plus ancienne capitale de Mésopotamie. Plusieurs des artefacts découverts autour du début du XXe siècle sont aujourd’hui exposés au musée de Pergame à Berlin.

Fouinant dans la maison de ses grands-parents, au Liban, Rayyane Tabet ne découvre certes pas l’un de ses sarcophages hittites qui peuplent le musée berlinois, mais des documents de son grand-père, retraçant en partie le périple de l’espion allemand.

L’artiste s’y plonge passionné ; les thèmes rejoignant ses jeunes obsessions. Comment le passé survit-il ? Comment préserve-t-on des vestiges archéologiques ? Quid de l'appropriation culturelle, des pratiques muséologiques ou encore des migrations humaines… Des questionnements d’autant plus évidents que le jeune Tabet, qui est diplômé en architecture de la Cooper Union à New York, de l'Université américaine de Beyrouth et d’un master en arts visuels de l'Université de Californie à San Diego, se voit proposer à ce moment-là une résidence d’artistes d’une année à Berlin. D’une certaine façon, la boucle est bouclée.

Galerie Sfeir-Semler jusqu’au 4 août 2018.