Fondé par Wissam el-Hage, kinésithérapeute de formation, le café Agonist à Zalka emploie des personnes atteintes de trisomie.

Situé dans une des rues perpendiculaires du souk de Zalka, le café Agonist avec ses boissons, ses muffins et ses diverses gourmandises pourrait s’apparenter à d’autres cafés cosy qui fleurissent dans la ville. Sauf qu’ici, Élie, qui s’avance vers les clients, plateau au-dessus des épaules, ou Ghassan, qui s’active derrière la machine à café, sont tous deux atteints de trisomie 21. Chez Agonist, 8 des 10 employés sont en situation de handicap mental, surpassant de loin le quota de 3 % de personnes handicapées imposé aux entreprises.

Inauguré le 16 décembre 2018, l’initiative constitue une première au Liban. Son promoteur est Wissam el-Hage, 32 ans, kinésithérapeute de formation. « Dans mon métier, j’ai eu la chance de passer beaucoup de temps avec des personnes handicapées. À leur contact, je me suis rendu compte que leurs capacités étaient largement sous-estimées, raconte-t-il. C’est ainsi que l’idée d’Agonist est née : il fallait trouver un moyen de leur donner de la visibilité, notamment dans le monde professionnel, pour déconstruire les clichés sur le handicap. » Il y a trois mois, le jeune kinésithérapeute décide de se lancer, prend un congé temporaire et contacte la Lebanese Down Syndrom Association, une association de parents de personnes trisomiques qui a tout de suite soutenu l’initiative. Le projet a nécessité quelques aménagements au niveau du matériel – des capsules spécifiques de café ont été utilisées par exemple pour faciliter le travail – ainsi qu’une formation de trois mois du personnel. Les employés travaillent entre trois et huit heures selon leurs capacités et sont encadrés par un responsable d’équipe. Une recette qui fonctionne selon Wissam el-Hage : « Le travail peut prendre un peu plus de temps, mais le retour des clients est très positif. »

Un travail “normal”

« Aucun des employés n’avait jamais travaillé et certains ont plus de 40 ans ! » regrette le jeune gérant. Il existe bien des centres gérés par des ONG ou des associations qui emploient des personnes handicapées, mais « la différence, c’est qu’ici on propose un travail “normal”, poursuit-il. Nous voulons montrer que les personnes handicapées peuvent travailler au contact des gens, dans tous types de secteurs, et cela avec un minimum d’adaptation ». Et le besoin est réel : en 10 jours, le café avait déjà reçu plus d’une dizaine de demandes d’emploi.

Un message d’autant plus important que les clichés sur le handicap ont la vie dure. Le quota de 3 % n’est presque jamais respecté, ou bien a minima : « Les entreprises emploient des personnes au handicap léger et leur trouvent des postes loin des clients », témoigne Wassim el-Hage. C’est toute une image du handicap qui est à redéfinir : « On nous a fait part du refus de certains centres commerciaux, restaurants et lieux publics d’accueillir des personnes handicapées, comme si leur présence ternirait l’image de l’endroit », rapporte-t-il. Des préjugés qui expliquent aussi les difficultés rencontrées d’un point de vue financier, comme il le raconte : « J'ai financé mon projet par un prêt personnel que j’ai mis deux ans et demi à obtenir. Un des consultants m’a même dit qu'il ne pouvait pas évaluer le risque financier tant celui-ci était important. Mais cela ne m’a pas arrêté. »

Depuis son ouverture, le café ne désemplit pas. Selon son propriétaire, « la dynamique est doublement positive : les capacités des employés se développent au contact des gens, tandis que les clients font preuve de beaucoup de curiosité et de bienveillance ».