Prière ou bronzette ? Pourquoi pas les deux.
Prière ou bronzette ? Pourquoi pas les deux. photo : Vianney Le Caer.

“C’est Beyrouth”, voilà une assertion qui retient l’attention. Ne devrait-on pas choisir les épithètes avec le plus grand soin pour décrire une ville telle que Beyrouth ? On l’a longtemps dite «insouciante et libre».

Aux temps de la guerre civile, elle fut l’incarnation de la violence fratricide et du chaos. Aujourd’hui, comment la définit-on ? Chacun a sans doute sa réponse, mais c’est toute la réussite de l’exposition proposée à l’Institut des cultures d’islam de Paris, que de chercher à dire et à montrer la ville dans son insaisissable complexité.

Sabyl Ghoussoub, son commissaire, a pris soin d’y laisser émerger une ville contemporaine. Pour cela, il a choisi 16 artistes photographes et vidéastes qui témoignent du multiconfessionnalisme, du sort des minorités ou, plus simplement, des rituels sociaux.

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L’exposition démarre sur l’évocation de la guerre de juillet 2006, au cœur de la vidéo “War and Love” de Fouad el-Khoury, une installation où le traumatisme de la guerre rejoint un questionnement sur l’intime.

On s’en éloigne pour plonger dans différentes revendications identitaires, notamment celle de corps exhibés, qu’on retrouve dans la série de photographies de Vianney le Caer “Les bronzeurs” ou de Hassan Amar, “Tatouages”. Avec “Abandon” de Cha Gonzalez c’est la nuit, exutoire pour une génération désenchantée qui, derrière la caricature festive, révèle sa mélancolie.

C’est un récit riche que nous livre Sabyl Ghoussoub en s’adressant de façon pertinente à la fois à un public libanais et français. S’il a su tirer parti de la topographie des lieux, grâce à une scénographie articulée de façon indépendante, il est surtout parvenu à se confronter aux clichés, en les assumant ou en les dénaturant. Enfin, il a réussi à s’affranchir de l’omniprésence de la guerre.

C’est Beyrouth” démontre la capacité d’une nouvelle génération d’artistes à s’emparer de la réalité de la ville et de ses habitants, et, au-delà, à nous dévoiler son essence.

“C’est Beyrouth”, Institut des cultures d’islam, Paris, jusqu’au 28 juillet 2019.