Un article du Dossier

Quadras et déjà patrons

À 49 ans, Ayla Ziz est à la tête d’Unilever Levant-Irak, une nouvelle entité qui regroupe, outre le Liban où est installé le siège, la Jordanie, les territoires palestiniens et l’Irak. Unilever, quatrième acteur mondial de la distribution de produits de grande consommation, a ouvert ce bureau il y a un peu moins de cinq ans. « Auparavant, la région était gérée depuis l’Égypte », fait valoir celle qui pilote une centaine de salariés, dont une soixantaine à Beyrouth, et un chiffre d’affaire de plusieurs centaines de millions de dollars. « Mon objectif est de doubler ce chiffre en trois ans. » Pour y parvenir, Ayla Ziz a pris d’entrée une décision difficile : se séparer de distributeurs locaux pour gérer la relation-client en direct. « Nous avons besoin d’aller au plus près du consommateur pour mieux réussir.» Si Fattal a été épargné – la relation entre Unilever et le groupe libanais remonte à 80 ans –, cela n’a pas été le cas de ses alter ego en Irak et en Jordanie, qui ont senti la poigne de la “nouvelle patronne”.

« Se jeter dans une piscine sans savoir nager ? C’est tout moi », s’amuse cette Franco-Syrienne qui a quitté Damas et sa famille à 13 ans pour expérimenter l’anonymat des grands lycées parisiens, en l’occurrence le Lycée Louis-Le-Grand. « D’un seul coup, je n’étais plus la bonne élève du Lycée laïc de Damas… Je devenais une anonyme avec de grandes lacunes. »

Cette expérience d’outsider, obligée d’affronter un destin contrarié, est un moteur chez elle. Ainsi, lorsqu’on lui propose, au sortir de l’École de management de Lyon, un premier emploi de commercial à Montpellier chez Mars, elle ignore où Montpellier se situe et n’y a aucune attache. Mais cette mise en danger la séduit. « Souvent, je me levais à trois heures du matin pour achalander avec le personnel local les étals des supermarchés. »

Faut-il avoir le goût du risque pour parvenir vite à un poste de haut dirigeant ? Son parcours semble accréditer la thèse. « Je crois dans la capacité de chacun d’entre nous à prendre son destin en main. » Ce qui explique qu’elle ait souvent succombé aux charmes de sociétés différentes. Recrutée par Colgate-Palmolive comme directrice de marques à Paris, elle quitte son poste trois ans plus tard pour rejoindre Coca-Cola en France, puis à New York. Elle y endosse tour à tour les responsabilités de directrice de cabinet, responsable grand compte, directrice de la communication et directrice des clients internationaux.

À Unilever, où elle atterrit en 2015, elle se voit confier la gestion du deuxième plus grand compte de l’entreprise Carrefour. Six mois plus tard, on lui adjoint les chaînes Tesco, Metro, puis Ahold Delhaize, un groupe hollandais qui compte environ 7 000 supermarchés dans le monde. Ses “gros” clients pèsent alors plus de 6 % du chiffre d’affaires d’Unilever et justifient un suivi personnalisé. « Je suis vite devenue si familière des compagnies aériennes que les hôtesses m’appelaient par mon prénom », s’amuse cette mère de trois enfants.

En faisant fi des frontières, Ayla Ziz a aussi appris à dépasser les a priori. À un déjeuner d’affaires au Liban, on lui fait remarquer qu’elle est la seule femme parmi une cinquantaine d’hommes. « Je n’avais même pas remarqué. » Sans doute parce que pour elle, au boulot, le sexe n’a pas d’importance. L’engagement seul compte. Raison pour laquelle elle favorise activement la diversité au sein d’Unilever Levant. « Plus de la moitié des effectifs sont féminins, toutes les religions et de nombreuses nationalités y sont représentées. Ce dont on a besoin c’est que les équipes s’épanouissent pour rester », conclut-elle.

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