Un article du Dossier

Quadras et déjà patrons

À 44 ans, Hassan Mokdad doit sa carrière à lui-même. « Tout ce que j’ai accompli, je l’ai fait à la sueur et aux biceps », confie le jeune patron de FutureCard, une société fondée en 2002 à Dubaï et qui se classe aujourd’hui parmi les 15 plus grands fabricants de cartes à puce au monde. Avec 200 salariés et quelque 40 millions de dollars de chiffre d’affaires, FutureCard reste encore un “petit poucet” au regard de géants comme Gemalto, premier fabricant mondial de cartes SIM (1,4 milliard d’euros de chiffre d’affaires). Mais Hassan Mokdad, c’est précisément ce challenge qui le motive. « FutureCard n’est pas une innovation de produits. Ou pas seulement. C’est d’abord une innovation de service. » Pas question pour lui de s’en tenir à un rôle d’assembleur de cartes. Sous sa direction, FutureCard doit devenir un prestataire de services, offrant des solutions à haute valeur ajoutée à ses clients.

Hassan Mokdad a grandi entre Beyrouth et son village de Lassa, dans la région de Byblos. « Mon père était officier de l’armée de l’air. À la maison, nous avions une forte discipline, mais aussi énormément de solidarité. » La mort de son père, alors qu’il a 17 ans, le précipite dans l’âge adulte… « Je devais me responsabiliser et me construire. » Pour financer ses études d’informatique à l’Université Saint-Joseph, il travaille la nuit dans une société de télécommunications. « Ces années de fac m’ont forgé des convictions fortes et appris à lutter pour les défendre. »

Cette force de conviction, il la met au service de sa carrière. D’abord chez Inkript, une entreprise libanaise spécialisée dans l’impression sécurisée. Simple directeur informatique, il signe avec une société allemande, spécialisée dans ce domaine, un contrat de 1,3 million de dollars. « J’étais convaincu de l’avenir des cartes à puce et des systèmes embarqués », reconnaît ce passionné de backgammon, le jeu de hasard et de stratégie par excellence.

L’avenir lui donne raison : entre 2003-2009, le chiffre d’affaires d’Inkript passe de 6 à 50 millions de dollars. Assez naturellement, on lui confie en 2009 la création et la direction d’une filiale, toujours au Liban, spécialisée dans les systèmes biométriques et d’identification, « une première dans la région ». « C’était une “période folle” pour qui s’intéressait à l’informatique et aux smart cards », remarque-t-il, nostalgique de ces années d’exubérance. Les opportunités à saisir sont partout et le trentenaire se dépense sans compter : « En 24 heures, je voyageais sur trois ou quatre continents pour mener nos affaires. » Malgré la fatigue extrême (« j’étais proche du burn-out »), il dit en avoir tiré une « grande capacité d’adaptation, face aux chocs culturels et aux retournements de situation ».

Mais ses nouveaux habits de DG se révèlent vite étroits : « Je n’ai eu d’autres choix que de partir », dit-il sans vouloir s’appesantir. Il ne sera pas long à rebondir : il est repéré par le fonds d’investissement qatarien qui détient la majorité du capital de FutureCard, et qui lui propose de prendre la tête de la société. « Ma condition a été de diriger l’entreprise comme je l’entendais. » Dans sa stratégie, Hassan Mokdad fait le pari de l’ouverture. La société possède désormais des bureaux en Amérique latine et Asie, des régions en plus forte croissance dans le domaine des cartes à puce. Mais ouvrir les frontières ne suffit pas. Il faut aussi développer des solutions technologiques comme le biométrique et repositionner l’activité sur certains segments de marché. « Aujourd’hui, on se concentre sur le bancaire et l’identitaire, qui représentent déjà 70 % de notre chiffre d’affaires. » Il s’est même fixé un objectif : doubler d’ici à trois ans le résultat d’exploitation et préparer l’entreprise à gagner la partie dans la bataille technologique qui s’annonce. Jamais la pression n’a été aussi énorme. Cela tombe bien : c’est ce qu’il aime.

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