Le Conseil constitutionnel a invalidé une disposition de la loi n° 129, qui permettait à l’exécutif de déroger à la loi de la comptabilité publique et autres textes relatifs aux marchés publics dans l’attribution des contrats de production.

E.A.H.

Finalement, le gouvernement n’aura pas les mains aussi libres qu’il le souhaitait dans la mise en œuvre de la réforme de l’électricité. Après avoir obtenu les pleins pouvoirs au Parlement en avril dernier, il a été rappelé à l’ordre par le Conseil constitutionnel qui a partiellement invalidé la loi n° 129. Ce texte a accordé au Conseil des ministres le droit, pendant trois ans, d’octroyer des permis de production d’électricité à des investisseurs privés et confié au ministère de l’Énergie le soin de préparer les cahiers de charge. Au motif de l’urgence, l’exécutif avait obtenu aussi que ces adjudications ne soient pas assujetties aux provisions de la loi de la comptabilité publique ni aucun autre texte relatif à l’attribution de marchés publics, dans la mesure où es provisions seraient incompatibles avec la nature des contrats d’achat d’énergie. Cette disposition a toutefois été invalidée par le Conseil constitutionnel, qui a estimé que la formule manquait de clarté et « permettait une application arbitraire de la loi ».

« L’objectif était de faciliter l’attribution des contrats au secteur privé. L’annulation de cette disposition va compliquer les procédures et risque de générer des délais qu’on aurait pu éviter », a déploré un représentant du ministère de l’Énergie.

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La décision du Conseil a, en revanche, été saluée par Samy Gemayel, l’un des dix députés ayant présenté le recours. « L’exécutif ne pourra pas se soustraire aux lois en vigueur en matière de passation des marchés publics, ni au contrôle des institutions compétentes, comme la Direction des adjudications, la Cour des comptes ou le Parlement », s’est félicité sa conseillère juridique, Lara Saadé.

Même son de cloche du côté de l’organisation Kulluna Irada, qui a qualifié la décision de premier pas dans la bonne direction. « On ne peut pas procéder par exception dans un secteur aussi technique », a commenté l’une de ses porte-parole. L’organisation regrette toutefois que le texte n’ait pas été entièrement invalidé. « Cette loi complique davantage le schéma juridique du secteur de l’électricité, alors qu’il nous faudrait un code de l’électricité qui réglemente le secteur, et notamment les achats publics, de façon claire, détaillée et transparente », a-t-elle ajouté.

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La plupart des arguments invoqués dans le recours n’ont pas été retenus par le Conseil constitutionnel. Les députés contestataires avaient notamment soulevé une incompatibilité de la loi n° 129 avec l’article 89 de la Constitution qui réserve au Parlement le pouvoir d’accorder « toute concession ayant pour objet l’exploitation d’une richesse naturelle du pays ou un service d’utilité publique » ou monopole, à condition que ce soit pour une durée limitée. L’argument invoquant une violation de l’article 36 de la Constitution, qui prévoit que le vote d’une loi se fait toujours par appel nominal à haute voix, n’a pas non plus été retenu. De même, le Conseil n’a pas considéré que le texte portait atteinte au principe de la séparation des pouvoirs consacré par l’alinéa E du préambule de la Constitution ainsi que ses articles 16, 17 et 65.

Néanmoins, la décision n’a pas fait l’unanimité au sein du Conseil. Dans son avis dissident, Antoine Messarra, un des membres, a estimé que la loi était « inconstitutionnelle et, plus généralement, incompatible avec toutes les normes reconnues de régulation et de l’État de droit ».