Dans l'usine de Sidem à Zouk Mosbeh
Dans l'usine de Sidem à Zouk Mosbeh Joumana Jamhouri

Les temps sont durs pour Sidem, le leader de la filière de l’aluminium au Liban, spécialisé dans la fabrication par extrusion de profilés pour portes et fenêtres. Comme les cinq autres acteurs du secteur – un sixième, Aluxal, a fermé ses portes cet été –, l’industriel subit de plein fouet la concurrence étrangère sur le marché local.

Fondé en 1950 en collaboration avec le français Pechiney et à l’origine spécialisé dans le laminage, Sidem faisait partie des pionniers de la filière de l’aluminium au Moyen-Orient. Dans les années 1960, les exportations vers les pays arabes constituaient environ 40 % du chiffre d’affaires de l’entreprise. « Nous étions à l’époque l’un des uniques fournisseurs d’aluminium dans la région », raconte Maria Audi, PDG de Sidem.

Mais la guerre civile a fait perdre à l’industriel sa longueur d’avance. Dans les années 1980, Pechiney revend ses parts. La concurrence régionale se développe tandis que la production libanaise, minée par des coûts de production élevés dans un contexte industriel sinistré, perd en compétitivité. La disparition progressive des barrières douanières, avec l’entrée en vigueur de l’accord de libre-échange arabe en 1997, aggrave la situation en ouvrant le marché local à la production des pays de la région.

Jusqu'à 12h de coupures de courant

Depuis, « c’est une survie de chaque jour », déclare Maria Audi. Au point qu’en 1999, lorsque la chef d’entreprise, auparavant femme au foyer, doit soudainement reprendre les rênes de l’entreprise après le décès de son père, on lui conseille de mettre la clé sous la porte. Mais la dirigeante ne peut pas s’y résoudre.

Aujourd’hui, les coûts opérationnels de l’entreprise continuent de menacer son avenir. La facture d’électricité représente près de 30 % de ses coûts de production. « Nous disposons d’une centrale électrique de 10 mégawatts pour pallier aux coupures de courant qui peuvent atteindre plus de douze heures par jour malgré une ligne directe avec la centrale de Zouk, explique Maria Audi. » La masse salariale de l’entreprise, avec ses 400 employés, représente, elle aussi, environ 30 % des coûts.

12 000 tonnes de produits étrangers

Difficile dans cette configuration de concurrencer les produits étrangers qui inondent le marché. Les importations de profilés d’aluminium sont en effet passées de 2.400 tonnes en 2005 à 12.000 tonnes en 2018, représentant désormais près de la moitié du marché, estimé à 25 000 tonnes l’année dernière. « La majeure partie des produits viennent des pays arabes, mais aussi de Chine, et sont vendus à des tarifs défiant toute concurrence, et cela sans compter la contrebande », déplore la chef d’entreprise.

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Pour Maria Audi, dont la société contrôle 60 % du marché des profilés produits localement, il est capital que l’industrie locale soit davantage protégée. « Les profilés d’aluminium représentent une petite part dans les coûts de construction, donc débourser un peu plus pour acheter libanais ne lésera pas le client », estime-t-elle. En contrepartie, « cette industrie crée des emplois indispensables au développement du tissu social et contribue à rééquilibrer la balance des paiements en réduisant les importations ».

Un projet de décret prévoyant des mesures antidumping sur les profilés d’aluminium a été signé en juillet par le ministère de l’Économie et attend sa publication au Journal officiel. Mais d’après les informations communiquées dans la presse à ce jour, cette augmentation ne devrait pas concerner les pays avec lesquels le Liban est lié par un accord commercial, et donc les pays arabes.