Zaher Hallab
Zaher Hallab

Beyrouth a eu tôt fait de se trouver un symbole de la contestation en la personne de Malak Alaywe Herz, et son fameux coup de pied au garde du corps du ministre de l’Éducation, immortalisé sous forme de dessins, de logos, de pochoirs jusqu’au tatouage. Mais la deuxième ville du pays n’est pas en reste, avec son lot d’images fortes. Si la vidéo du DJ Madi K (Karimeh), mixant devant une marée humaine sur la place al-Nour, a fait le tour du web, les Tripolitains retiendront aussi l’image des employés de la pâtisserie orientale Abdul Rahman Hallab 1881 Kasr el-Helou, distribuant des knéfés aux manifestants, le vendredi 18 octobre. « Les gens se sont amassés autour de la place al-Nour autour de midi. Ils ont commencé à chanter, à danser et à réclamer des knéfés pour tout le monde », raconte Zaher Hallab, qui supervise la production de la pâtisserie et partage la direction avec ses quatre cousins, issus de la cinquième génération des Hallab. L’entreprise fondée en 1881 par leur arrière-grand-père compte aujourd’hui 600 employés, dix enseignes en propre et en franchise au Liban, notamment dans la zone franche de l’aéroport de Beyrouth, ainsi que des succursales dans les pays du Golfe. Voyant les manifestants affluer place al-Nour, Zaher et ses cousins mobilisent leurs employés et se lancent dans la préparation de 10 000 knéfés, distribués gratuitement aux milliers de personnes rassemblées sur la place. « En déployant des vans, nous avons réussi à leur offrir des knéfés encore chaudes, se félicite Zaher. Si nous avions pu, nous aurions distribué des pâtisseries jusqu’à Beyrouth, mais les routes étaient bloquées. »

Les jours suivants, l’enseigne qui supporte le mouvement de protestation a aménagé ses horaires afin que les employés puissent rejoindre les manifestations en fin d’après-midi. « Cette révolution est un espoir pour chacun d’entre nous, pour que les choses changent enfin au Liban, de Tyr à Tripoli en passant par Beyrouth. Notre ville a beaucoup souffert ces dernières décennies. Je n’y ai jamais vu une telle ambiance depuis ma naissance », ajoute-t-il.