Pour la deuxième fois cette année, Moody’s a dégradé, le 5 novembre, la notation souveraine du Liban, de “Caa1” à “Caa2”, arguant d’une possibilité “accrue” que le pays procède à un « rééchelonnement de la dette ou toute autre opération de gestion de passif qui constitue un défaut », selon sa définition.

Moody’s a estimé que le mouvement de contestation du 17 octobre, la démission du gouvernement et la perte de confiance des investisseurs ont un peu plus miné le « modèle traditionnel de financement du pays basé sur les flux entrants de capitaux et la croissance des dépôts ». Une combinaison de facteurs « qui menace la viabilité de la fixation au dollar du cours de la livre par la Banque du Liban et la stabilité macroéconomique ». L’agence de notation a prédit qu’en « l’absence d’un changement de politique rapide et significatif », le pays fera face à une dégradation accélérée de sa balance des paiements et à des sorties de capitaux qui provoqueront une contraction du PIB, tandis que les mouvements sociaux se poursuivront. Selon elle, la BDL n’a plus que 5 à 10 milliards de dollars de réserves de devises utilisables, une enveloppe qui sera probablement utilisée pour régler le financement du service de la dette en devises entre 2019 et 2020, lequel s’élève à 6,5 milliards de dollars.

Le fait que la Banque centrale détient des titres de dette – équivalant à 50 % du PIB – signifie que le Liban dispose d’options de gestion de la dette à court terme pouvant limiter les pertes supportées par le secteur privé en cas de défaut de paiement, a toutefois souligné Moody’s, en estimant qu’une extension des maturités ou une annulation de la dette détenue par la BDL pourraient être envisagées pour limiter les risques, bien que cela soit insuffisant pour rétablir la soutenabilité de la dette.

Dix jours plus tard, s’était au tour de l’agence S&P de dégrader la note du Liban, de “B-” à “CCC”, moins d’un mois après avoir placé le pays “sous surveillance”. Dans son rapport, elle a elle aussi justifié sa décision en faisant par la baisse de confiance « dans la gouvernance libanaise et dans son économie », auxquelles elle attribue la diminution des dépôts bancaires (environ 4 milliards de dollars à fin septembre) qui ont « historiquement permis de financer les déficits budgétaires et commerciaux élevés » du pays. Mais contrairement à Moody’s, elle estime que les réserves des devises utilisables de la BDL devraient atteindre 18 milliards de dollars à la fin de l’année. Seul un « financement extérieur immédiat » ou « la mise en place d’un gouvernement capable de lancer un ensemble de réformes à même de restaurer la stabilité positive » pourrait éviter une nouvelle dégradation de la note du Liban selon cette agence.

En outre, ces dégradations se sont aussi répercutées sur les notations des banques libanaises que ces agences observent. Moody’s a ainsi abaissé les notes de Bank Audi, Blom Bank et Byblos Bank. Les notations des dépôts en livres ont été dégradées de “Caa1” à “Caa2”, tandis que celles en devises ont été abaissées de deux crans, à “Caa3”. S&P a réduit les notes de Bank Audi, Blom Bank et Bankmed, de “B-” à “CCC” avec “perspectives négatives”, alors que l’agence de notation Fitch avait déjà revu, en septembre, les notes de Bank Audi et Byblos Bank, de “CCC” à “CCC-”, après avoir baissé celles de l’État à “CCC” en août.