Comment améliorer le recouvrement des impôts, moderniser la réglementation et élargir la base des contribuables pour permettre à l’État de mieux exercer son rôle de régulateur ? L'Association libanaise pour les droits et les intérêts des contribuables (Aldic) préconise la mise en place d’une charte, qui contribuerait à rétablir la confiance des Libanais dans les institutions.

La majorité des Libanais se plaignent du système fiscal adopté, de son poids et de son iniquité. Ils éprouvent un ressentiment contre la mauvaise qualité des services publics que l’État doit fournir aux citoyens en contrepartie de leur contribution fiscale. Derrière cette réalité, il y a aussi une méconnaissance du système fiscal lié à des raisons sociologiques, qui pousse le citoyen à attribuer aux services dont il bénéficie une valeur inférieure à celle des impôts qu’il paie. Avec une compréhension insuffisante de la fiscalité et des services publics lacunaires et défaillants, il est nécessaire de promouvoir la connaissance et le civisme fiscal.

Partant de là, il faut rappeler que le rôle principal de l’impôt est d’assurer une redistribution équitable des ressources nationales et du produit national à la société libanaise pour lui procurer le bien-être, le confort et la sécurité de l’emploi, et jeter les bases d’une économie productive et au développement durable.

Toute tentative sérieuse visant à améliorer le recouvrement des impôts, moderniser la réglementation et élargir la base des contribuables en vue de permettre à l’État d’exercer son rôle de régulateur doit s’accompagner d’initiatives visant à consolider et appliquer le principe de transparence et de responsabilisation, dans l’objectif de rétablir la confiance dans les institutions. À cet égard, il doit être rappelé que l’impôt constitue un mécanisme de nature à limiter la liberté de disposer des fonds privés en tant que prélèvement obligatoire par la force publique avec pour corollaire la ferme conviction que le citoyen a l’obligation de se conformer volontairement à ses obligations fiscales qui convergent vers le financement de l’État. Or, ce financement est indispensable pour lui permettre de remplir sa mission qui consiste à fournir des services publics et à préserver le contrat social.

Il est même devenu urgent pour l’État d’assurer un climat favorable au développement de la citoyenneté et de la conscience fiscale en adoptant une nouvelle approche et un ensemble de mesures parallèles de nature à influer positivement sur les citoyens.

Il s’agit pour les pouvoirs publics en premier lieu de mettre en place des mesures pratiques visant à transmettre au public les informations nécessaires, à faciliter les règles et procédures fiscales, à promouvoir la transparence des finances publiques, à améliorer le traitement et la communication constructive, et à changer la vision qu’a le citoyen de l’impôt quant à l’équité et l’égalité notamment.

C’est pourquoi il conviendrait de conserver un lien transparent entre l’imposition et la dépense gouvernementale en dévoilant au public tous les détails, en facilitant l’accès rapide à l’information et en renforçant le contrôle ainsi que l’audit externe des comptes publics le cas échéant ainsi qu’en encourageant la responsabilisation.

Il devient ainsi urgent d’adopter une charte pour le contribuable qui résume de manière claire et essentielle ses droits et obligations à l’égard des pouvoirs publics par une série de principes qui assurent un équilibre entre le service public et le rôle de l’administration fiscale, d’une part, et les attentes légitimes des contribuables, d’autre part. Le contribuable étant défini dans le code des procédures fiscales comme étant « toute personne qui est tenu par des obligations fiscales en vertu des lois fiscales… », cette charte s’appliquerait à tout citoyen libanais ou non libanais résidant ou exerçant une activité soumise à l’impôt au Liban.

La charte du contribuable

Les objectifs de l’impôt

1) L’impôt est un engagement citoyen et un devoir national auxquels le contribuable consent librement et volontairement. L’impôt étant une dette à sa charge au profit de la collectivité sans contrepartie directe. Ceci a pour corollaire la consécration du principe de l’État partenaire et le renforcement du contrat social.

2) L’impôt est un facteur d’investissement pour le contribuable, qu’il soit libanais ou étranger résidant au Liban. Il conviendrait donc d’acquitter l’impôt volontairement dans le cadre d’une opération constante d’évaluation, de suivi et de responsabilisation.

3) L’impôt assure les ressources de l’État qui sont indispensables au bon fonctionnement des institutions. Il donne aux services publics les moyens nécessaires pour exécuter des politiques économiques visant à réaliser un développement durable en sus d’une redistribution équitable des ressources sous diverses formes (éducation, santé, Sécurité sociale, retraite, culture, etc.).

Les droits et obligations de l’État

1) Conformément aux principes constitutionnels, les impôts sont créés en vertu de lois générales dont les dispositions s’appliquent sur l’ensemble du territoire libanais sans exception et sans effet rétroactif contraire au principe de la liberté économique et à la sécurité juridique. Par conséquent, il est interdit de prélever l’impôt d’une catégorie déterminée en excluant d’autres catégories qui se trouvent pourtant dans la même situation juridique.

2) Partant du principe que l’impôt est un engagement citoyen et un devoir national pour tout contribuable, l’administration fiscale est donc en droit d’exercer, selon les règles légales et sans arbitraire, les contrôles et vérifications d’usage lui permettant de s’assurer du respect des engagements et de la régularité des déclarations.

3) Les législations fiscales doivent être fondées sur la justice dans ses deux volets : le volet vertical en appliquant des impôts progressifs sur l’ensemble des revenus des particuliers de nature à tenir compte des capacités financières des contribuables et le volet horizontal en ce que l’ensemble des contribuables qui se trouvent dans la même situation juridique bénéficient du même traitement fiscal sans distinction aucune. Font exception à ce qui précède les discriminations dites positives qui visent à faire bénéficier certaines catégories de contribuables d’exemptions et de privilèges fiscaux rendus nécessaires par certains facteurs et/ou circonstances et/ou motifs sociaux ou économiques, et par le biais et sous le contrôle du pouvoir législatif qui représente la légitimité populaire.

4) L’administration fiscale devrait adopter la présomption de sincérité du contribuable, en ce que l’impôt est fondé sur le principe du régime déclaratif connu également sous le nom de l’autocontribution selon lequel le contribuable est réputé sincère et de bonne foi jusqu’à preuve du contraire par le contrôle fiscal et le redressement.

5) Dans l’exercice de son activité, l’administration fiscale doit avoir en vue l’intérêt général exclusivement. Elle doit donc traiter les contribuables sur un pied d’égalité et veiller au respect des lois, règlements, décisions, circulaires et arrêtés publiés et en vigueur, sans aucun abus, ou infraction ou négligence et dans le respect de la Constitution.

6) L’administration fiscale doit, avant d’entamer tout contrôle fiscal sur place des déclarations et activités du contribuable et sous peine de nullité, lui remettre un guide fiscal appelé “La charte du contribuable vérifié” qui comporte, de manière simplifiée, le mécanisme des procédures fiscales et les principaux droits et obligations du contribuable qui doit signer un accusé de réception.

7) Les pouvoirs publics ont l’obligation d’assister le contribuable dans la prise de connaissance des lois, règles et procédures fiscales avec pour corollaire la connaissance des obligations et devoirs du contribuable vis-à-vis du Trésor, et ce en vue de renforcer la conviction du contribuable de la nécessité de participer à l’intérêt général. Il conviendrait également de faciliter les procédures et surmonter les difficultés que rencontre le contribuable, notamment celles relatives aux modalités de calcul, de déclaration et de paiement de l’impôt.

Les droits et obligations du contribuable

1) Le contribuable reconnaît la légitimité du principe de l’impôt et le respect de ses obligations fiscales ; étant donné qu’il participe à l’intérêt général en consentant à l’impôt.

2) Tous les contribuables sans exception aucune doivent se conformer aux procédures et règles fiscales. En outre, l’administration fiscale a l’obligation d’appliquer les mêmes procédures et critères à tous les contribuables. Ce qui préviendrait toute remise gracieuse ou exemption non justifiées qui inciteraient à l’évasion fiscale et susciteraient un sentiment d’iniquité et d’inégalité.

3) Tout contribuable a l’obligation de payer ses impôts sans augmentation ou réduction. Par conséquent, aucun impôt ne devrait être prélevé ou recouvré qu’après réalisation du fait générateur.

4) Tout contribuable, sans exception aucune, a le droit de s’opposer à tout redressement fiscal abusif et de le discuter en exposant ses motifs et exceptions. L’administration fiscale, quant à elle, a le devoir de ne pas abuser de son pouvoir et de répondre clairement et en détail aux arguments et motifs soulevés par le contribuable en respectant les délais légaux, et ce sous peine de se voir appliquer les peines et sanctions disciplinaires sans distinction entre les fonctionnaires ou clientélisme.

5) L’administration fiscale et ses fonctionnaires ont l’obligation de préserver le secret des informations auxquelles ils ont accès dans le cadre du contrôle fiscal. Lesdites informations devraient être utilisées uniquement à des fins fiscales en rapport avec l’objet du contrôle fiscal, sous peine de poursuites judiciaires fondées sur les dispositions du code des procédures fiscales.

6) En vue de renforcer la coopération constructive entre l’administration fiscale et le contribuable, et d’encourager au respect des engagements fiscaux, il conviendrait de consacrer et d’intégrer dans la législation fiscale libanaise le principe du rescrit fiscal qui détermine à l’avance la position de l’administration fiscale par rapport à une situation précise soumise à elle, avant de la mettre en exécution.

7) Tout contribuable, sans distinction aucune, a le droit de participer, directement ou par le biais de ses représentants, au débat relatif à l’imposition, aux conditions de sa mise en œuvre et de sa perception et au contrôle de son affectation conformément aux principes constitutionnels et à la Déclaration universelle des droits de l’homme. Par conséquent, il appartient à l’État de consacrer un forum de discussions en ligne qui porterait sur les projets de lois proposés, en veillant à informer le public de l’exposé des motifs et des objectifs escomptés. Les résultats des consultations et propositions seront notés et publiés.