Dis-moi d’où tu viens, je te dirai qui tu es. Abnousse Shalmani, née en Iran en 1977, débarque en France deux ans après la révolution iranienne. Biberonnée aux Lumières, elle trouve refuge dans l’universalisme, croit dans « la fable du citoyen au-dessus de la mêlée des origines sociales, ethniques, religieuses, raciales ». Avec trois ouvrages à son actif, cette femme de lettres, libre penseuse féministe, a su tirer de l’expérience de l’exil une leçon universelle de liberté et d’humour qu’elle nous livre dans son dernier ouvrage “Éloge du métèque”. Elle y propose une définition personnelle et audacieuse de la figure de l’Autre qui tient à la fois autant de l’étranger que du “je”.

Dans ce parcours qui recense quelques grandes figures de métèques, à travers les âges et les arts, l’on croise Salman Rushdie, Romain Gary ou Jack London. L’on croise aussi Pablo Picasso, Chaïm Soutine, Chagall ou de Modigliani. Car le métèque est transfuge par excellence, serait-ce de classe, il est mouvement et curiosité, le pas de côté, un pied de nez à sa condition. Ni d’ici ni de là-bas, voué à errer, se réinventer.

Sous sa plume facétieuse, cet “étrange étranger” est tour à tour une ambition, une esthétique, une sensualité. Transgression, malentendu et fiction. C’est que le métèque par définition échappe aux cases, il brouille les pistes et crée ainsi, par le mystère qu’il abrite et un subtil jeu de masques, la possibilité de la poésie. Le voici rétabli dans sa force créatrice. Un essai aussi important que galvanisant qui évite le piège de tomber dans « les facilités confortables de l’origine glorifiée ou de l’assimilation sans mémoire » à l’heure où chacun est sommé de se définir par son identité (ou sa confession) quand bien même il ne s’y est jamais reconnue.

Éditions Grasset, 20 dollars.