L’ex-banquier a fondé Bongani Cigars, une entreprise de cigares basée au Mozambique.

Kamal Moukheiber n’était pas destiné à faire du cigare son dada. Ancien de l’Université américaine de Beyrouth et d’HEC à Paris, ce Libanais originaire de Beit-Méry se dédie d’abord à la finance. Recruté au sortir de ses études par le Crédit Suisse, il intègre Lehman Brothers avant de fonder sa société de gestion d’actifs en 2004 à Londres.

« Le cigare est venu longtemps après grâce à une série de coïncidences », raconte-t-il. En 2016, il se rend au Mozambique pour superviser un projet immobilier. Lors d’une soirée en boîte de nuit, en observant les nombreux havanes cubains dont ces messieurs se délectent au fil de la nuit, il a une révélation : « Je me suis dit : “Pourquoi ne pas produire des cigares africains ?” »

S’il laisse son instinct le guider, Kamal Moukheiber n’a rien d’un fou : selon le cabinet Grand View Research, le marché mondial du cigare est en pleine croissance avec des ventes prévues à 21,02 milliards de dollars en 2025 contre 16,99 milliards de dollars en 2018. Le segment haut de gamme, celui des cigares fabriqués à la main, représente à lui seul 17,7 % des ventes et 450 millions d’unités.

Et c’est sur ce segment que Kamal Moukheiber décide de positionner sa marque, Bongani Cigars (“soyez reconnaissant” en zulu), avec un éléphant en guise de logo.

Des cigares à identité africaine

Il s’associe au chef de production dominicain, Anthony Padilla-Perez, qui forme une équipe de cinq rouleuses, et mise sur une production 100 % africaine.

« Avant, le cigare était réservé à Cuba ou la République dominicaine comme le vin restait le domaine de la France. » Avec Bongani, les amateurs “goûtent” un nouveau terroir : l’Afrique.

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La cape du cigare – son enveloppe externe – est camerounaise, le tabac mozambicain et le tout est roulé dans du bois de cèdre du Ghana. « On trouve des matières premières de qualité sur le continent, mais elles sont exportées avant de créer de la valeur ajoutée. » Le choix de l’Afrique se révèle également judicieux en termes de coûts de production, divisés par deux par rapport à la concurrence cubaine ou dominicaine.

Ce qui lui permet d’afficher un prix moyen autour de 13 dollars le cigare, quand son concurrent cubain avoisine 15 dollars. « Nos matières premières sont plus abordables et la main-d’œuvre est à moitié prix par rapport à la République dominicaine », explique Kamal Moukheiber. Résultat : en quatre ans, la PME de quinze employés a atteint une production d’environ 10 000 cigares par mois.

L’entrepreneur exporte déjà dans plusieurs pays. « Nous avons des distributeurs en Afrique du Sud, au Kenya et au Cap-Vert. On veut aller plus loin et s’implanter sur tout le continent », se projette-t-il. Il profite d’une tendance de fond : en 2017, l’Organisation mondiale de la santé estimait à 77 millions le nombre d’Africains à fumer, un chiffre qui doit encore croître ces prochaines années. « Nos clients sont jeunes. Ils fument lors de soirées amicales ou pour frimer en société. C’est très différent du public européen plus âgé », relève le chef d’entreprise.

Mais son horizon “ultime” reste les États-Unis, le premier marché mondial avec 330 millions de cigares importés... Et pas encore un seul cigare africain à fumer.

Le marché mondial des cigares premium, faits main, est dominé par l’entreprise Habanos SA, propriété de l’État cubain et de l’anglais Imperial Brands, qui truste 80 % des parts de marché en valeur et 70 % en volume. Son chiffre d’affaires s’est élevé à 537 millions de dollars en 2018.