Il faut n’avoir jamais posé les pieds au Liban pour être consterné par l’incompétence dont fait preuve aujourd’hui la classe politique. Si ceux qui ont dirigé le pays, à un moment ou un autre, au cours de ces trois dernières décennies avaient les moindres compétences en gestion des affaires publiques, le pays n’en serait pas là. Électricité, déchets, eau, télécommunications, routes… leur bilan parle de lui-même. La faillite du système financier ne fait que s’inscrire dans cette triste continuité.

On peut continuer à accuser les “forces obscures” de s’acharner contre le Liban – l’Iran, les États-Unis, Israël,  l’Arabie saoudite… selon le camp auquel on appartient – ou admettre que cette crise est la conséquence, inévitable, d’un modèle politique défaillant.

Au-delà de l’incompétence, elle démontre que le système hérité de la guerre, basé sur le confessionnalisme et le clientélisme, est structurellement incapable de réformer le pays, et encore moins de se réformer, quelle que soit la gravité de la situation.

Les “technocrates” l’ont bien compris. Si les ministres semblent avoir pris goût aux privilèges qui accompagnent le pouvoir, leurs conseillers, eux, ont bien vu que le pouvoir est ailleurs. Et que ce pouvoir, qui dit tirer sa légitimité du peuple, représente les intérêts d’une oligarchie dont la survie passe avant tout autre considération.

Les Libanais peuvent continuer à suivre les partis traditionnels qui nient la réalité en attendant un miracle, une éventuelle “solution régionale” sur laquelle ils n’ont aucune prise. Ou arrêter la fuite en avant et exiger un changement radical.

Ce changement ne pourra pas être porté par les plus démunis qui n’ont plus d’autres choix que de quémander de l’aide auprès de leur zaïms pour se nourrir. Il doit être impulsé par ceux qui en ont encore les moyens. Les entrepreneurs, financiers, commerçants, avocats, professeurs, ingénieurs, médecins, fonctionnaires… qui se heurtent aux limites d’un système dont ils ont un temps profité, mais dont ils n’ont en tout cas jamais voulu pour leurs enfants. Ceux qui ne pourront bientôt plus envoyer leurs progénitures étudier à l’étranger, ou les former dans des universités hors de prix dans le seul espoir de les voir s’épanouir ailleurs, doivent eux aussi faire un choix : partir pour toujours, ou bâtir un Liban dans lequel leurs enfants pourront, et voudront, rester.


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