Des associations dénoncent l’absence de prise en compte des besoins féminins dans le cadre du mécanisme de subvention mis en place par le ministère de l’Economie. 

Des associations dénoncent l’absence de prise en compte des besoins féminins dans le cadre du mécanisme de subvention mis en place par le ministère de l’Economie.
Des associations dénoncent l’absence de prise en compte des besoins féminins dans le cadre du mécanisme de subvention mis en place par le ministère de l’Economie. @byjoona

Le ministère de l’Economie vient de publier une liste des quelque 300 produits de base, dont l’importation sera désormais subventionnée au taux de 3900 livres libanaises dans le cadre de la circulaire n°564 de la Banque du Liban. On y trouve des conserves de viandes ou de thon, de l'huile de coco ou de palme, de la margarine, des oignons, de l’ail mais aussi des produits destinés aux industriels et aux agriculteurs, notamment les semences et les engrais.

Deux produits d’hygiènes ont également été inclus : les rasoirs et les dentifrices. La commission qui a élaboré cette liste, composée de sept hommes, n’a pas jugé nécessaire, en revanche, de subventionner les produits d’hygiène féminine, comme l’a relevé le média en ligne Megaphone, suscitant une levée de boucliers de la part des internautes. Ni le Premier ministre, ni le gouverneur de la banque centrale, encore moins les ministres de l’Economie ou de l’Agriculture, tous membres de cette commission, n’ont en effet songé à intégrer les serviettes hygiéniques ou les tampons.

« Je ne comprends pas qu’aucune femme n’ait figuré dans cette commission. Comment voulez-vous que les besoins de la moitié de la population soient pris en compte ? », s’emporte Mounira al-Halabi, la cofondatrice de Joona, une start-up libanaise dédiée aux cosmétiques Made in Lebanon, qui lutte contre la précarité menstruelle des femmes en offrant gratuitement des « kits de dignité » à celles qui ne peuvent plus se payer le strict nécessaire en matière d’hygiène intime.


« Quand elle doit choisir entre faire manger sa famille ou rester “propre”, une femme se sacrifiera toujours », ajoute celle qui a déjà distribué 1200 de ces kits depuis le début de la crise et s’apprête à en offrir 300 nouveaux dans les prochaines semaines.

S’il n’existe pas de chiffres qui permettent de se faire une claire idée du problème, les associations estiment que le phénomène de la précarité menstruelle est en train de prendre de l’ampleur. « Les femmes sont très vraisemblablement les plus touchées par la crise économique », fait ainsi valoir Diana Abou Abbas, directrice exécutive de Marsa, un centre de santé sexuelle. « Elles étaient majoritaires dans le secteur du tourisme, la restauration, et la santé, des secteurs où les entreprises licencient en masse. »

Sur les réseaux, hier au soir, la polémique était en train d’enfler, poussant le ministre de l’Economie, Raoul Nehmé, à se justifier. « Les besoins des femmes sont pris en compte », a-t-il ainsi expliqué dans un tweet. « Les matières premières nécessaires à la fabrication des serviettes hygiéniques au Liban font partie des produits subventionnés ».

Manière de dire que puisqu’il existe une marque libanaise (Private du groupe Sanita), le besoin de subventionner des produits étrangers sur ce segment ne se justifiait pas. Le ministre ajoutant que la liste avait été pensée avec les principaux supermarchés locaux, qui lui avaient fait remonter les besoins les plus urgents de leurs consommateurs. Pour les associations, qui militent pour un accès plus large des femmes à l’éducation et la santé sexuelles, sa justification n’est pas acceptable. « Il faut être un homme pour croire que l’existence d’une marque libanaise va régler le problème : il faut offrir un minimum de choix pour un produit aussi essentiel. Sanita ne produit pas de tampons, par exemple. »