Un cadre a été fixé pour permettre un retour progressif au travail dans le secteur privé en évitant une recrudescence du nombre de contaminations au Covid-19. Mais en l’absence de strictes mesures de contrôle, le système repose en grande partie sur la bonne volonté des entreprises.

Pour la troisième phase entamée le 8 mars, 1329 entreprises ont obtenu des permis à travers la plateforme Impact permettant à 52.043 employés de reprendre le chemin du travail.
Pour la troisième phase entamée le 8 mars, 1329 entreprises ont obtenu des permis à travers la plateforme Impact permettant à 52.043 employés de reprendre le chemin du travail. Marc Fayad

À dix jours de la 4e phase du déconfinement, durant laquelle rouvriront les derniers commerces encore fermés, les contaminations au Covid-19 semblent repartir à la hausse. Une tendance qui interroge sur l’efficacité des mesures annoncées afin que la reprise de l’activité, vitale dans un pays en pleine crise, ne soit accompagnée d’une recrudescence des cas. Au delà de la distanciation sociale et des gestes barrières, des consignes détaillées ont été données au secteur privé : nombre d’employés en présentiel, tests PCR, accueil des visiteurs... Mais en l’absence de suivi approfondi et de contrôles stricts, le respect de ces mesures varie d’une entreprise à l’autre.

Pour la troisième phase entamée le 8 mars, 1329 entreprises ont obtenu des permis à travers la plateforme Impact permettant à 52.043 employés de reprendre le chemin du travail. Au début de chaque nouvelle phase, c’est-à-dire toutes les deux semaines, la plupart des entreprises sont contraintes de faire une demande de permis en ligne, en fournissant les noms des employés appelés à retourner sur leur lieu de travail et leurs tests PCR négatifs. Les petits commerces jugés «à faible risque de contamination», ont été exemptés de cette procédure, «pour que l’argument de la barrière technologique ne leur serve pas de prétexte pour ne pas réaliser les tests PCR qu’ils sont toutefois obligés de faire, et d’exhiber en cas de contrôle», explique Nabil Rizkallah, membre de la commission nationale chargée du suivi du Covid-19. Une obligation souvent difficile à remplir pour des commerçants qui croulent déjà sous le poids de la crise économique.

Lire aussi: La campagne de vaccination enfin sur le droit chemin?

Les plus grandes entreprises, elles, doivent accueillir un nombre limité de collaborateurs, selon les secteurs et sous-secteurs d’activités, calculé en pourcentage du nombre total d’employés. Au-delà, la plateforme n’accepte pas de nouvelles inscriptions. «Nous sommes autorisés depuis le début du confinement à travailler avec la moitié de notre personnel en présentiel», témoigne Hala Nasr, directrice des ressources humaines de la banque BEMO. «Nous n’avons toutefois pas eu besoin d’atteindre ce plafond puisque nous avions mis en place un système de télétravail efficace avant le début de la crise ; les employés qui se déplacent sont principalement ceux au contact de la clientèle», précise-t-elle.

Chaque entreprise doit afficher aussi à l’entrée de ses bureaux un code QR permettant à tout éventuel inspecteur d’accéder rapidement aux données enregistrées sur la plateforme. Les contrôles sur le terrain ne sont cependant pas massifs. «Des cas de verbalisation m’ont été rapportés, mais pour notre part nous n’avons pas reçu de visite des autorités», affirme Michel Mchantaf, directeur des ressources humaines du groupe industriel Malia.

Ce n’est pas le cas d’une société financière basée dans la banlieue de Beyrouth. «Un membre de la police municipale s’est effectivement rendu dans l’une des filiales pour une visite express, mais il nous a appelé à l’avance pour nous prévenir de sa venue», témoigne une responsable des ressources humaines sous couvert d’anonymat.

Lire aussi: Les hôpitaux soufflent mais ne crient pas victoire

Les vérifications des tests PCR téléchargés sur la plateforme ne sont pas non plus très poussées. «Durant les deux premières semaines, certaines entreprises n’avaient pas chargé leurs tests PCR et ont reçu des avertissements», affirme Nabil Rizkallah. «Nous avons aussi dû examiner certains dossiers pour supprimer des doublons», ajoute-t-il.

Mais l’analyse de la validité des documents n’est à ce jour «pas terminée», admet-il. Or, toutes les entreprises ne jouent pas le jeu. «Un dépistage systématique toutes les deux semaines est coûteux et complexe à mettre en place d’un point de vue logistique», reconnaît la source précitée. C’est donc parfois les mêmes tests qui se retrouvent sur la plateforme à chaque début de nouvelle phase.

«Nous respectons la distanciation sociale et les gestes barrières, mais tant que les permis sont renouvelés, je n’impose pas aux salariés de se faire à nouveau tester», dit-elle.

Quant aux entreprises et commerces qui reçoivent un nombre important de clients, comme les centres commerciaux, les supermarchés, les banques ou encore les stations de ski, ils sont en théorie obligés de réclamer à leurs clients le code QR associé à leur autorisation de visite. Mais cette mesure non plus n’est pas toujours appliquée. Le week-end du 6 mars, un grand nombre de visiteurs ont par exemple pu dévaler les pistes à Kfardebiane sans que ne leur soit réclamé de justificatif. «Dans le cas des banques, cela pose un problème de confidentialité», note Hala Nasr, la responsable RH de la banque BEMO, qui n’a pas mis ce système en place dans ses agences.