Dans l’affaire qui oppose les Forces libanaises (FL) à la LBC (Lebanese Broadcasting Corporation) sur la propriété du groupe télévisuel, le juge d’instruction de Beyrouth Fadi al-Onayssi a requis des peines de prison allant jusqu’à trois ans à l’encontre du PDG du groupe Pierre el-Daher, et de Raïf al-Boustani, un des premiers actionnaires de la LBC.
Ils sont accusés d’abus de confiance selon les articles 670 et 672 du code pénal. Les autres charges d’accusation requises par les FL, à savoir l’escroquerie et le recel, n’ont pas été retenues, car « elles découlent de l’abus de confiance », selon les termes de l’acte d’accusation. Toutes les compagnies du groupe LBC* sont concernées, y compris celles créées pendant que Samir Geagea, chef des FL, était en prison entre 1994 et 2005. Les autres personnes qui étaient sous le coup de l’enquête, Marcel el-Daher, Randa Saad, Rima Saad, Imane Saad, Maroun Jazzar, Salaheddine Osseirane et Marwan Khaireddine, n’ont pas été inculpées, par manque de preuves.
Le nœud du conflit se situe autour du contrat de cession des actifs de la LBC à la LBCI (Lebanese Broadcasting Corporation International) en 1992, jamais enregistré au registre du commerce.
La LBC est la chaîne historique du groupe, fondée en 1985 par les Forces libanaises, qui l’ont financée jusqu’en 1992. Son conseil d’administration était composé de Pierre el-Daher (qui le présidait), Raïf al-Boustani et Sami Touma ; tous les trois ont reconnu dans des contre-lettres signées en janvier 1986 n’être que des prête-noms pour les FL. En 1992, les actifs et les dettes de la LBC sont transférés à une nouvelle société appartenant en majorité à Pierre el-Daher, la LBCI, sans que le contrat de cession ne soit enregistré. El-Daher affirme dans l’émission de Kalam el-Nass du jeudi 21 octobre que cette cession découle de la vente de la LBC à son profit par Geagea : la loi sur l’audiovisuel alors en préparation enlevait toute possibilité d’appartenance d’une télévision à un parti, dans un contexte de désarmement des milices post-accord de Taëf. Geagea et les FL contestent cette vente et affirment que Daher a abusé de la confiance du chef des milices pour faire main basse sur les actifs de la LBC et développer le groupe par la suite.
Dès 1996, Pierre el-Daher accélère l’expansion de ce dernier, aidé en cela par l’autorisation obtenue par la LBCI de diffuser par satellite en 1997. Il crée de nouvelles sociétés, locales et internationales, dont la LBC SAT, qui diffuse dans tout le Moyen-Orient. En 2008, via une augmentation de capital, le prince saoudien al-Walid ben Talal devient l’actionnaire majoritaire (90 %) de LMH, la holding qui rassemble LBC SAT, PAC (The Production and Acquisition Company, qui produit entre autres les émissions de la LBCI) et LBC Plus (LBC Europe, LBC Americas et LBC Australia). La LBCI reste entre les mains de ses actionnaires libanais.
En 2007, deux ans après sa sortie de prison, Geagea entame une action judiciaire contre le groupe LBC et ses dirigeants pour obtenir la restitution de la chaîne aux Forces libanaises. Il revient maintenant au procureur de Beyrouth de décider d’une date pour le procès. Le verdict pourra ensuite être contesté par chacune des parties devant la cour d’appel. Et un dernier recours est envisageable devant la Cour de cassation : les nombreux vices de forme énumérés par la défense d’el-Daher pendant l’émission de Kalam el-Nass, notamment concernant la non-légalité de la procédure (un parti n’ayant pas le droit de posséder une télévision), laissent présager une bataille de longue haleine.

* Les actifs du groupe LBC regroupent : la LBC SAL, la LBCI SAL, XYZ Limited, LMC (Lebanese Media Company) Ltd, LMH (Lebanese Media Holding) Ltd, LBC Plus Limited, LBC Sat Limited, PAC (The Production and Acquisition Company) Ltd, LBC Overseas Ltd.

Quels sont les scénarios possibles ?

Le premier scénario serait que les FL récupèrent tout le groupe né de la LBC. Il s’agit d’une option difficilement envisageable, car la majorité appartient aujourd’hui au prince al-Walid ben Talal.
Le deuxième scénario serait que les FL ne récupèrent que la LBC (aujourd’hui société dormante) et la LBCI. Mais toutes les émissions de la LBCI sont produites par PAC (The Production and Acquisition Company), une autre société du groupe, ce qui signifierait effectivement que les FL récupéreraient une société creuse. Ils se battront alors probablement pour pouvoir utiliser le nom LBC, qui bénéficie d’une image de marque assez forte dans le monde arabe.
Le troisième scénario serait que les FL soient déboutées de leur demande.