Un article du Dossier

Mariage civil : une pratique en train de prendre forme

L’ancien ministre de la Justice, Chakib Cortbaoui, a présenté un projet de loi visant à encadrer la procédure du mariage civil au Liban. En l’état, ce projet ne satisfait pas la plupart des juristes interrogés, qui espèrent des amendements.

Le projet de loi, parrainé par l’ancien ministre de la Justice, Chakib Cortbaoui, effectue un toilettage de certaines des dispositions existantes pour intégrer le mariage civil aux institutions libanaises, sans modifier l’édifice juridique et administratif actuel. Il intervient alors que des couples choisissent de rayer la mention de leur confession pour se marier civilement au Liban. Pourtant, en l’état, le projet présente des maladresses dans sa rédaction au point qu’on peut se demander s’il ne s’agit pas d’une première ébauche d’un texte à venir, affirment plusieurs juristes interrogés.
Premier problème de taille : le projet de l’ancien ministre de la Justice abroge l’article 25 du décret-loi de 1936 qui régit encore aujourd’hui les mariages civils célébrés à l’étranger. Mais, plutôt que de le remplacer par de nouvelles dispositions législatives, le texte préfère s’appuyer sur les droits étrangers pour réglementer les effets des unions civiles célébrées au Liban. « Le mariage civil sera soumis au droit civil que les époux auront choisi à condition qu’il ne soit pas contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs », lit-on dans le projet de loi.
Si le projet de loi était appliqué tel quel, les futurs conjoints devraient donc faire référence, dans leur contrat de mariage, à un droit étranger spécifique, qu’ils choisiraient selon leur bon vouloir. « Les rédacteurs du projet semblent ici avoir oublié un détail d’importance : l’absence de “lien de rattachement” à la loi étrangère choisie », explique Alexa Héchaimé, chargée de cours à l’Université Saint-Joseph. Comment justifier qu’un couple décide d’appliquer le droit américain (ou éthiopien, ou allemand…) alors que les époux n’ont aucun lien avec ce droit ? Ni lieu de célébration, ni nationalité de l’un ou de l’autre, ni résidence, ni même histoire. « De facto, le droit libanais assimilerait ainsi un contrat de mariage à un contrat du commerce international soumis à l’autonomie de la volonté ! » ajoute-t-elle. Le projet de loi ne dit rien en outre des mariages civils qui continueront à être célébrés à l’étranger.
Le projet de loi prévoit également le paiement d’une taxe de 500 000 livres libanaises (334 dollars), que l’État reverserait aux tribunaux religieux. Une manière de “compenser” la perte financière encourue par les communautés religieuses du fait de la “concurrence” des mariages civils. Mais quelle en serait la justification ? Le texte reste silencieux sur ce point sans sembler voir ce que cette taxe a d’incohérent pour qui précisément entend se marier civilement.
Un point positif toutefois : l’abrogation envisagée de l’article 79 du code de procédure civile. Cet article donne aujourd’hui compétence aux tribunaux civils pour les conflits résultant de mariages civils conclus à l’étranger entre Libanais (ou entre Libanais et étrangers) sauf s’ils sont musulmans. Pour ces derniers, les conséquences de leur mariage civil sont réglées par les tribunaux religieux musulmans. Dans le projet de loi, l’exception disparaît : ce serait aux tribunaux civils de s’en charger.
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