Un article du Dossier

Comprendre l’impôt sur la plus-value immobilière

L’idée d’imposer la plus-value immobilière réalisée par les particuliers n’est pas nouvelle : elle figurait depuis 2013 parmi les mesures fiscales devant financer la révision de la grille des salaires. Ces mesures ont finalement été votées cette année et la loi a été publiée au Journal officiel le 26 octobre.

Qu’est-ce que la plus-value immobilière ?

La plus-value représente le surplus généré lorsque la valeur de cession d’un bien immobilier (propriété bâtie ou terrain) est supérieure à sa valeur d’acquisition. C’est donc la différence entre le prix déclaré au moment de l’achat d’un bien et celui qui figure sur l’acte de vente. Si un bien a été acheté à 500 000 dollars puis revendu à 800 000, la plus-value est de 300 000 dollars.


Quel est le régime d’imposition de la plus-value au Liban?

On distingue deux sortes d'impôts sur la plus-value : celui qui s'applique aux plus-values réalisées par des professionnels et celui qui s'applique aux plus-values réalisées par des particuliers.

La nouvelle loi en vigueur n’a pas modifié le régime général s’appliquant aux professionnels. Elle a par contre augmenté le taux d’imposition sur les cessions de 10 à 15 % en le maintenant inchangé dans la cas d’une réévaluation.

Les plus-values réalisées par les professionnels sur la cession d'un bien enregistré au bilan de l'entreprise sont donc désormais soumises à un impôt de 15 %. Par contre, si le bien vendu est considéré comme un actif circulant – c’est-à-dire qui n’est pas destiné à être gardé durablement dans les actifs de l’entreprise –, le régime normal d'imposition sur les bénéfices commerciaux ou professionnels s’applique en fonction de son régime d’imposition et de la qualité du titulaire (personne ou société).

De fait, les promoteurs immobiliers ne sont pas concernés par ce nouvel impôt, car ils sont considérés comme des marchands de bien, dont l’activité consiste à acheter et vendre des biens immobiliers. Ils ne sont pas assujettis à la plus-value immobilière, mais leurs biens étant des actifs circulants, ils sont assujettis soit à un impôt progressif sur le revenu, qui varie par tranches entre 4 et 21 % si c’est une personne privée, soit un impôt sur ses bénéfices, à 17 % pour les sociétés de capitaux.


Qu’est-ce qui va changer pour les particuliers?

Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 64 le 26 octobre, les particuliers, résidents ou non-résidents, possédant des biens-fonds immobiliers au Liban, sont assujettis à un impôt de 15 % sur la plus-value réalisée au Liban. Ainsi, si la plus-value réalisée est de 300 000 dollars, le particulier devra payer un impôt de 45 000 dollars.


Dans quels cas s’applique l’impôt ?

L’impôt ne s’applique pas aux résidences principales, ni secondaires. Les terrains en revanche y sont tous assujettis, quels qu’ils soient, à l’exception des terrains agricoles.

De plus, dans tous les cas de figure, la législation prévoit un taux d’érosion annuel de 8 % sur la plus-value réalisée, ce qui signifie que l’exemption est totale pour tout bien détenu pendant une période de plus de 12 ans. Dans notre exemple, si le bien est détenu depuis six ans, le particulier s’acquittera d’un montant de 22 500 dollars, la plus-value ne valant plus que 150 000 dollars.

La déduction du coût des travaux ou des frais d’acquisition du montant de la plus-value n’est pas spécifiée dans la nouvelle loi. Ce point devrait être éclairci dans l’arrêté du ministère des Finances qui mettra en place les modalités d’application de la mesure. Pour les biens hérités, il faudra considérer la valeur du bien telle qu’évaluée au moment de la succession. Le problème est que de nombreuses personnes sous-évaluent leurs biens pour payer moins de droits de succession. Dans leur cas, la plus-value sera donc beaucoup plus importante.


Comment déclarer les plus-values ?

Les plus-values réalisées devront être déclarées par les particuliers auprès de leur administration fiscale dans un délai de deux mois après la cession de la propriété. Le montant de l’impôt devra être calculé par le contribuable. L’administration fiscale effectuera la vérification, sachant que l’automatisation du registre foncier lui permet de savoir notamment combien de biens immobiliers la personne possède. Les modalités de paiements devront être définies plus en détail par arrêté du ministère des Finances.


Y a-t-il un moyen de contourner cet impôt ?

Ce nouvel impôt va toucher les particuliers ayant un patrimoine immobilier important, mais ces derniers peuvent l’éviter en apportant leurs biens immobiliers à une société, en échange d’actions. Le bien sera donc détenu par la société, dont le particulier est actionnaire. Ce dernier pourra ensuite céder ses actions, sans payer d’impôts dans le cas de sociétés anonymes, ni droits d’enregistrement sur la cession des actions, ni droits de timbre à 4/000. Pour combler cette faille, il faudrait que les plus-values de cession d’actions des sociétés immobilières, c’est-à-dire dont l’actif est majoritairement composé de biens immobiliers et/ou dont les revenus proviennent majoritairement de l’immobilier, soient soumises à un impôt de 15 %.


* Avocat fiscaliste et président de l’Association libanaise pour les droits et l’information des contribuables (Aldic).