Vue de Beyrouth
Vue de Beyrouth Elie Abi Hanna

Il n’est désormais plus nécessaire de trouver des cofondateurs pour pouvoir créer une société offshore libanaise. Le Parlement a en effet adopté le 10 octobre la loi n° 85 qui rend possible la formation de sociétés offshore unipersonnelles.

Un associé unique – personne morale ou physique – peut dorénavant assumer l’ensemble des prérogatives du conseil d’administration et des assemblées générales, et signer individuellement les décisions prises à ce titre. S’il est étranger et réside au Liban, l’associé unique n’a pas besoin de posséder de permis de travail comme c’était déjà le cas avant pour le PDG.

Cette nouvelle législation vient amender le décret-loi n° 46 de 1983, modifié par la loi n° 19 de 2008, qui ne statuait jusqu’alors pas sur le nombre minimum requis de fondateurs. Les sociétés offshore relevaient donc par défaut, sur ce point, du régime général prévu au code de commerce pour les sociétés anonymes libanaises (SAL), établissant à trois le nombre minimal de partenaires.

Plus de transparence

« Cette modernisation de la législation était nécessaire, les normes internationales évoluent en ce sens », s’est félicité le député du groupe parlementaire du mouvement Amal, Yassine Jaber, porteur de la proposition de loi au Parlement.

« La loi n° 85 va permettre d’éviter la pratique courante du recours à des prête-noms et ainsi de renforcer la transparence de ce type de structures », explique pour sa part l’avocat fiscaliste Karim Daher, cofondateur du cabinet HBD-T.

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Cette simplification procédurale devrait par ailleurs contribuer à renforcer l’attractivité du Liban en tant que destination offshore, à l’heure où la mise en place des dispositifs internationaux d’échange d’informations fiscales pousse une partie des ayants droit à remettre en question leurs juridictions d’adoption.

« Ces nouvelles normes obligent les ayants droit de sociétés offshore étrangères des pays les ayant adoptées à révéler où se trouve le siège principal de leur activité », explique Karim Daher. « Ils ont alors deux choix, révéler leur lieu d’activité d’origine ou de direction effective, et donc y accepter d’y payer des impôts, ou ouvrir un centre de direction effectif dans le pays où se trouve enregistrée leur société offshore, ce qui veut dire y payer aussi potentiellement des impôts et y engager des frais, une démarche qui n’est plus si intéressante pour ceux habitués à opérer en franchise de toute imposition », ajoute l’avocat.

Régime fiscal avantageux

Dans ce nouveau contexte, le Liban a l’avantage d’offrir un régime fiscal relativement attractif aux sociétés offshore. Ces dernières ne sont en effet pas soumises à l’impôt sur les bénéfices des sociétés (17 %), ni à celui sur les dividendes distribués aux actionnaires (10 %). Elles sont également exonérées d’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers (dividendes ou intérêts distribués, plus-values sur les cessions d’actions…) et sur les bénéfices liés aux investissements hors du Liban, ainsi que ceux exigibles sur les paiements effectués à des personnes morales ou physiques résidant à l’étranger. Enfin, elles bénéficient d’une exemption des droits de mutation (droit de succession) et des taxes de transfert de propriété, dont l’impôt sur la plus-value de cession d’action.

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Des avantages qui ne sont, contrairement à d’autres pays aux régimes similaires, pas annulés par le fait de résider au Liban, ni d’y établir son siège de direction effective.

Un calendrier suspect

Le timing d’adoption de cette nouvelle loi interroge cependant. « Pourquoi ne pas avoir attendu la réforme du code de commerce, actuellement en voie de finalisation et d’adoption au Parlement, qui comporte cette nouvelle disposition pour les autres sociétés de capitaux ? Était-ce vraiment la priorité ? » pointe Karim Daher, par ailleurs président de l’Association libanaise pour les droits et l’information des contribuables (Aldic) qui soupçonne également une impatience des élites financières et politiques libanaises de « restructurer leur patrimoine », depuis la mise en place du dispositif d’échange d’informations fiscales.

« Cette précipitation ne donne pas une bonne image du Liban et, à mon avis, risque d’attirer l’attention du comité des affaires fiscales de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur les petits avantages fiscaux que nous avons encore, qui peuvent apparaître comme une compétition déloyale au niveau régional et international. »