Dans un contexte déjà très fragile, les manifestations entre les places des Martyrs et Riad el-Solh ont affecté les valeurs des appartements, des bureaux et des locaux commerciaux au centre-ville. En quelques jours, les décotes sont estimées de 10 à 30 %.


Justine Babin

Ce n’est pas la première fois qu’une partie du centre-ville est le théâtre de manifestations. À chaque mouvement de colère, la place Riad el-Solh située en contrebas du Grand Sérail est l’objet de rassemblements. Le quartier avait d’ailleurs toujours du mal, quatorze ans plus tard, à se relever des sit-in de 2005 à 2007.

Depuis le 17 octobre, des dizaines de locaux commerciaux ont été détruits, plusieurs sociétés n’ont pas pu ouvrir et de nombreux appartements sont devenus invendables à court et moyen terme.

Au niveau de l’activité commerciale, le secteur était, déjà, en grande partie un alignement de boutiques vides. L’époque où Buddha Bar et Virgin attiraient la foule était bien révolue. « Cela fait déjà plusieurs années, nous avons oublié que nous avions des boutiques dans ce secteur. Nous n’avions aucune demande », déplore un propriétaire qui veut rester anonyme.

Avant les événements, une boutique autour de la place Riad el-Solh était affichée à 333 dollars le m2 par an. « Nous ne savons pas quelle est sa valeur aujourd’hui. Il nous faudrait une offre pour savoir, mais il n’y en a pas », ajoute un autre propriétaire.

Neuf immeubles de bureaux se trouvent aussi directement dans la zone occupée par les manifestants. Avant le mouvement de contestation, les loyers avaient baissé de 15 à 30 % en trois ans et variaient entre 150 et 220 dollars le m2.

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« Nous devions signer fin octobre un contrat de location sur la base de 200 dollars le m2 par an. Le contrat était prêt mais, après le 17 octobre, le client a demandé un délai de réflexion. Paradoxalement, j’ai reçu une autre demande début novembre pour 300 m2 de bureau », explique le gérant d’un immeuble de bureaux situé dans la zone affectée. Avec les dernières manifestations, l’agence de conseil Ramco estime toutefois que les loyers devraient baisser avec une décote estimée entre 10 et 30 %.

Au niveau résidentiel, autour de la place des Martyrs et le long de la rue Béchara el-Khoury, les immeubles Beirut Gardens et GC Towers sont aux premières loges des manifestations.

Le chantier de l’un des deux projets est à l’arrêt depuis plusieurs mois. L’autre est terminé depuis 2019 et occupé par quelques résidents. Des casseurs ont saccagé toutes les boutiques du rez-de-chaussée dont certaines ont été incendiées.

« Les ventes de ces projets étaient déjà au point mort depuis plusieurs années. Après ce qui vient de se passer, je ne sais pas quelle peut y être la valeur d’un appartement et qui va y acheter ? » s’interroge Karim*, un agent immobilier.

 

*Le prénom a été modifié.