La méfiance vis-à-vis du secteur bancaire continue d’alimenter la demande immobilière. Si le coronavirus a marqué une pause dans un marché en ébullition depuis six mois, les biens disponibles commencent à se raréfier et les prix sont à la hausse.

Depuis le 15 mars, premier jour de confinement officiel décrété par le gouvernement, le marché immobilier tourne au ralenti. Mais les mesures visant à contrer la propagation du Covid-19 n’ont pas pour autant freiné la demande.

Le confinement retarde les transactions. Les banques étant fermées et les notaires moins disponibles, les signatures de contrat et les virements bancaires sont plus difficiles à finaliser. Néanmoins, selon nos informations, plusieurs ventes d’appartements et surtout de terrains ont été conclues à Beyrouth ces dernières semaines. « Nous avons réalisé quatre ventes depuis l’entrée en vigueur des mesures de confinement, mais les négociations avaient été engagées avant le début du mois de mars », témoigne Walid Eido, agent immobilier.

« L’épidémie n’a pas fondamentalement changé la donne. Les visites sont plus difficiles à organiser, mais la demande est là », renchérit Roya Ghossein, de l’agence immobilière B in Beirut.

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À l’origine de cet emballement pour l’immobilier : la crise financière et la peur d’une ponction sur les dépôts bancaires (“haircut”) qui dopent la demande pour les appartements, les bureaux et les terrains. Entre mi-novembre 2019 et fin février, plusieurs centaines de biens ont ainsi été achetés.

Le plan de réforme du gouvernement, qui a fuité dans la presse début avril et qui prévoit une restructuration du secteur bancaire, a relancé la dynamique. « Beaucoup de clients ont peur que leur épargne soit touchée dès que le confinement est levé. Il y a une vraie paranoïa », observe Roya Ghossein.

Mais si la demande s’est accélérée, l’offre, elle, est toujours limitée. Alors que les promoteurs endettés ont profité de la première vague de demande pour liquider leur stock d’invendus et couvrir leurs arriérés – comme en témoignent les dizaines de ventes réalisées dans des immeubles au centre-ville, à Gemmayzé et à Clemenceau –, d’autres vendeurs ont changé d’avis, ou modifié les conditions des transactions, craignant eux aussi de placer leur argent dans les banques libanaises.

« Beaucoup de propriétaires n’acceptent plus de céder leur bien que s’ils sont payés, totalement ou partiellement, à l’étranger. Or ce n’est pas ce que cherchent nos clients. Sur les centaines d’appartements dans notre répertoire, seule une poignée peut être achetée avec un chèque bancaire au Liban », avoue Roya Ghossein.

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« Un client nous a demandé de lui trouver un terrain hors de Beyrouth pour un million de dollars. Nous n’avons trouvé qu’un seul bien à lui proposer », confirme Walid Eido.

Dans la capitale, aussi, les terrains disponibles se font rares. À Ras Beyrouth, il n’y a quasiment plus de parcelles sur le marché à moins de 15 millions de dollars. Dans le secteur de la corniche du Fleuve, les terrains affichés entre 5 et 7 millions de dollars ont été vendus ces dernières semaines. Désormais, il ne doit rester qu’une poignée de parcelles à moins de 10 millions de dollars à Achrafié.

Ce contexte tire les prix à la hausse, certains propriétaires allant jusqu’à exiger 30 % de plus que le tarif affiché avant la crise. L’inflation touche également les bureaux. Suite à plusieurs ventes, le prix d’un bureau dans un projet à Achrafié, par exemple, est passé de 848 000 dollars en mars à 980 000 dollars en avril, soit une hausse de 15 %.