Tester, tracer et confiner de manière sélective. C’est la recette des pays qui lèvent les restrictions liées au Covid-19. Au Liban, où la courbe épidémiologique est rassurante, les autorités ont annoncé une sortie progressive du confinement, en misant sur une accélération du dépistage et le développement de nouveaux outils de traçabilité.

L'armée et les forces de sécurité intérieures s'assurent du respect des régles de confinement au Liban.
L'armée et les forces de sécurité intérieures s'assurent du respect des régles de confinement au Liban. AFP


D’un point de vue strictement sanitaire, le maintien du confinement aurait fait sens.

« Avec le ramadan, le danger est que la courbe épidémiologique reparte à la hausse alors que de nombreuses familles vont chercher à se réunir », estime Inaya Ezzedine, députée Amal et fondatrice d’un laboratoire d’analyses médicales. Mais dans un pays en récession, où les aides publiques, pour freiner les conséquences économiques du Covid-19, sont quasi inexistantes, l’urgence est aussi économique. Chaque semaine de confinement représentant, selon des estimations, quelque 100 millions de dollars de pertes supplémentaires.

Des commerçants ouvraient en catimini, des employés, jusque-là confinés, repartaient travailler un jour sur deux, des patrons prenaient le camion de leur société pour aller livrer de la marchandise en douce...

Pour les autorités, il était d’autant plus difficile de justifier le prolongement de l’arrêt total de l’activité que le pays semble avoir réussi à endiguer la première vague de l’épidémie.

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En effet, le nombre de nouvelles hospitalisations quotidiennes décline, ce qui permet de croire à un scénario de courbe “en plateau”, c’est-à-dire de stabilisation effective de l’épidémie dans les prochaines semaines. Le pays comptait, le 30 avril, quelque 24 morts et 721 personnes contaminées, selon les chiffres du ministère.

Parmi les indicateurs permettant de jauger de la situation sanitaire du pays, le taux de reproduction du virus (Ro), c’est-à-dire le nombre moyen de nouveaux cas causés par un patient infecté dans une population sensible, est l’un des plus importants. Si le taux est d’un, cela signifie qu’une personne infectée transmet à une autre le Covid-19. S’il vaut 2, cela veut dire qu’un malade contaminera deux personnes, qui ensuite en contamineront deux autres… Pour que l’épidémie s’arrête en quelques semaines, il faudrait donc que le Ro tombe en dessous de un.

Or cela semble être le cas au Liban, aux vues des analyses menées par la Lebanese Epidemiological Association : à partir des chiffres recensés par le ministère de la Santé, l’association situe ce taux de reproduction entre 0,5 et 1 pour la semaine du 10 au 16 avril. Désormais, donc, un porteur du virus infecte moins d’une personne.

Même s’il faut garder une marge d’erreur compte tenu d’outils statistiques insuffisamment précis, ce faible taux de reproduction pourrait indiquer que le Liban s’apprête à franchir le fameux “pic épidémique” qui marque l’acmé de la première vague de Covid-19. «La courbe épidémiologique du pays semble rassurante, confirment Michèle Kosremelli Asmar et Ibrahim Bou Orm, spécialistes des questions de santé publique à l’Université Saint-Joseph (USJ). Du moins s’il n’y a pas de nouvelles sources de contamination parmi la population infectée et si le contrôle des rapatriés se maintient comme il est aujourd’hui.»

Sortir du confinement, oui, mais comment ?

Pour ne pas se laisser dépasser, le gouvernement a officialisé un plan prudent, “progressif”, par phases, qui pourra être révisé si la courbe de la pandémie devait repartir à la hausse, risquant de créer un engorgement des hôpitaux.


La plupart des commerces de détail ont été autorisés à ouvrir le 27 avril, de même que le secteur hôtelier et les métiers de l’artisanat. Mais sous certaines conditions : le gouvernement maintient les restrictions de mouvements imposées à partir du 11 mars. Un couvre-feu élargi reste en place (de 5 heures et 21 heures) et la circulation alternée des véhicules se maintient. Ce qui devrait créer aussi une alternance de facto sur les lieux de travail, obligeant les entreprises à respecter les règles de distanciation sociale, même quand elles n’ont pas aménagé spécifiquement leurs locaux.

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Le 4 mai, les autorités envisagent la réouverture des restaurants, mais à seulement 30 % de leur capacité d’accueil. Trois semaines plus tard, ils pourront passer à 50%. Une phase particulièrement délicate à appréhender, selon la plupart des professionnels de la santé qui espéraient que les lieux de “promiscuité sociale” resteraient fermés le plus longtemps possible. Les autres lieux touristiques ou culturels, comme les musées, les cinémas, ou les salles de sport (indoors), resteront d’ailleurs prohibés jusqu’à la dernière phase du plan de déconfinement. Le gouvernement interdisant même après le 8 juin les grands rassemblements qu’ils soient publics (festivals) ou privés (mariages). Les personnes de plus de 65 ans, elles, sont priées de rester confinées.

«L’important c’est qu’il y ait une stratégie déconfinement en dégradé et une surveillance épidémiologique stricte pour limiter les risques de nouvelles vagues, en attendant l’arrivée d’un vaccin ou une augmentation suffisante de l’immunité collective», affirment Michèle Kosremelli Asmar et Ibrahim Bou Orm.

L’immunité collective

En l’absence d’un vaccin, seules les personnes, qui ont été malades, ont vaincu le SARS-CoV-2 et ont développé les anticorps nécessaires à leur protection, et sont en théorie immunisées. C’est ce qu’on appelle l’immunité naturelle. Dans un groupe donné, les chercheurs estiment qu’il faut que 60 à 70% des individus aient développé cette immunité naturelle contre le coronavirus pour ne plus craindre une propagation à grande échelle. Or, à ce jour, l’immunité collective est «vraisemblablement encore assez faible», assurent les deux spécialistes de l’USJ.

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À cela s’ajoute l’absence de certitudes scientifiques quant à une possible rechute des personnes guéries. «D’après des recherches scientifiques, les anciens malades présentent de faibles concentrations d’anticorps autour de 30%. Ce qui suggère qu’ils risqueraient d’être à nouveau contaminés. Cependant, et c’est important de le noter, cela reste une hypothèse : à ce jour, aucun cas de personnes réinfectées n’a encore été identifié. Sur cet aspect particulier, les preuves manquent, seuls le temps et la recherche apporteront des réponses», souligne l’épidémiologiste Fatima al-Sayah, directrice de recherche au sein de l’École de santé publique de l’Université d’Alberta, au Canada.

Pour éviter de prolonger un confinement strict, lourdement préjudiciable à l’économie, la majorité des pays ont basé leur stratégie sur trois éléments : campagne massive de tests, isolement des personnes infectées et suivi de leurs contacts.

Dépistage massif

La mise en œuvre d’une campagne généralisée de tests permet en effet d’identifier les personnes contaminées, qui devront rester en confinement. C’est d’autant plus important que 80% des malades présentent des symptômes légers, voire asymptomatiques, c’est-à-dire sans symptômes déclarés, alors qu’ils sont malades et contaminants.

Cette stratégie a été déployée notamment par la Corée du Sud qui fait figure des bons élèves dans la lutte contre l’épidémie. Séoul a réussi à contenir l’expansion du Covid-19 en multipliant les opérations de dépistage et en isolant à chaque fois les cas positifs.

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Mais le Liban n’en est pas encore là. Fin avril, le pays avait procédé à un nombre limité de tests PCR. Faute d’un nombre suffisant de kits de dépistage, les autorités ont d’abord été obligées de restreindre leur accès aux seuls malades présentant des symptômes assez sévères de la maladie. Un peu plus de 32.400  tests ont ainsi été effectués, soit 4.754 tests par million d’habitants (sur une population estimée à 6 millions), selon les informations compilées par le site Worlddometers.com en date du 30 avril.

Si les autorités sanitaires multiplient depuis quelques semaines les opérations de dépistage au hasard, on reste loin de la Corée du Sud, qui a effectué 11.980 tests par million d’habitants. Aux Émirats arabes unis, quelque 790.000 tests ont été réalisés jusque-là, soit environ 103.365 par million d’habitants.

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Idéalement, au Liban «il faudrait quadrupler le nombre de tests effectués», fait valoir l’épidémiologiste Liliane Ghandour, professeure associée à la faculté de science de la santé de l’AUB.

Pour l’épidémiologiste Fatima al-Sayah, le nombre de personnes atteintes pourrait en réalité s’avérer trois à cinq fois supérieur aux chiffres officiels. D’une part, parce que certains malades ne se signalent pas, pour des raisons économiques ou par méfiance vis-à-vis du système, sans compter les patients asymptomatiques, qui représentent déjà environ 22% des personnes testées positives au Liban.

D’autre part, parce que tous les cas ne sont pas rapportés aux autorités. «Certains laboratoires d’analyses privés qui réalisent les tests ne se sont pas déclarés auprès des services du ministère de la Santé et ne font donc pas remonter les résultats de leurs clients. Pour moi, il aurait mieux valu maintenir le dépistage dans les seules structures gouvernementales : cela aurait permis un suivi plus sûr des cas», abonde Inaya Ezzedine.

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Une situation d’autant plus inquiétante que le vecteur de la contamination reste inconnu dans 8% des cas recensés au Liban. «Cela suggère que les tests ciblés ne sont plus suffisants pour donner une image de la contamination, et c’est pourquoi une campagne massive de tests aléatoires est primordiale. Tant que nous avons des cas non identifiés, et si ces cas ne respectent pas l’isolement familial, ce qui peut être difficile si ces patients doivent quitter leur maison pour travailler ou pour d’autres raisons, il y aura une propagation continue de l’infection», prévient la chercheuse Fatima al-Sayah.

Les choses pourraient changer dans les semaines à venir : le Liban a reçu 30.000 kits PCR en provenance de Chine, qui les lui a offerts, et s’apprête à réceptionner un don de quelque 100.000 autres kits de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le pays pourra ainsi démarrer enfin la nécessaire campagne de dépistage massive. Ce programme ciblera d’abord des régions où la maladie est encore mal cartographiée, principalement des zones rurales, comme la Békaa ou le Akkar, avant d’être généralisé à l’ensemble du territoire.

Les tests sérologiques

La généralisation du dépistage sera-t-elle suffisante? Pas sûr. Plusieurs épidémiologistes proposent, en complément, de mener des campagnes plus ciblées en se concentrant par exemple sur des groupes précis comme les personnes âgées avec maladies chroniques. Ce qu’on appelle des “pooled tests sampling”, qui donnent un aperçu assez juste des taux de contamination et d’immunité dans des groupes ciblés.

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Le Liban pourrait également envisager l’importation de tests sérologiques, qui permettent de savoir si une personne a été exposée au SARS-CoV-2 et a développé une réponse immunitaire à partir d’une simple analyse de sang. À ce jour, une centaine de sociétés les développent dans le monde, la plupart étant chinoises.

«Il y a beaucoup de pressions pour que le gouvernement se décide à les importer. Mais les principaux groupes pharmaceutiques sont encore en train de travailler sur des prototypes et, pour l’heure, ils présentent de nombreuses défaillances de diagnostic. L’OMS ne les recommande d’ailleurs pas. Ces tests ne répondent pas aux mêmes besoins que les tests moléculaires, dit PCR, qui sont basés sur la détection du code génétique du coronavirus. À mon avis, ils doivent s’inscrire dans une stratégie de triage des malades afin d’empêcher que des goulots d’étranglement se forment dans les laboratoires. Ils pourront également servir quand on aura passé cette vague dans le cadre de la surveillance épidémiologique. Pour l’heure, cela me semble prématuré», prévient la députée Inaya Ezzedine.

L’historique des contacts des malades

Le second pilier d’une stratégie de déconfinement progressive consiste à tracer l’historique de contacts des malades et leur déplacement. L’idée est de remonter la chaîne des contacts récents du patient pour détecter les personnes à qui il a pu transmettre le virus, afin de les dépister à leur tour ou de les isoler par précaution. C’est ce type d’enquête qui a permis, par exemple, en Afrique de largement limiter la propagation d’Ebola.

«Les campagnes de tests à elles seules sont inutiles», expliquait récemment au Washington Post le vice-ministre libérien de la Santé, Tolbert Nyenswah, qui a conduit avec succès le suivi des contacts dans son pays, au moment où l’Afrique traversait l’épidémie d’Ebola. Entre 2014 et 2016, ce fonctionnaire a réussi à enrôler quelque 4.000 employés pour mettre à jour la carte des contacts des cas positifs dans son pays. «Car les campagnes de tests peuvent seulement nous dire qui est contaminé. De même, le traçage seul est inutile si vous ne placez pas ceux que vous trouvez en quarantaine. Seulement lorsque les trois sont mis en œuvre, la chaîne de transmission peut être brisée», ajoute-t-il.

C’est ce qu’ont réussi à faire les services du ministère de la Santé au moment de l’arrivée du premier contingent d’expatriés libanais. Après avoir été toutes testées, les quelque 1.500 personnes suivies actuellement ont été inscrites dans la base de données du ministère. Elles remplissent chaque jour un formulaire qui fait le bilan de leur état de santé physique, psychologique et s’interroge sur leur situation sociale.

«Les informations que nous collectons sont confidentielles. Certaines s’appuyaient cependant sur la géolocalisation, et des personnes l’ont refusée au titre des libertés individuelles. Désormais, la géolocalisation est en option, laissée à leur libre arbitre», assure Lina Abou Mrad, directrice du département de santé numérique du ministère de la Santé.

Le traçage numérique

Pour aller plus vite, certains pays se sont appuyés sur le “traçage numérique”, notamment les pays asiatiques : en Chine, les autorités ont ainsi sollicité le vaste réseau de surveillance d’État, qu’elles ont couplé à l’analyse des données des opérateurs télécoms pour retracer les mouvements des citoyens chinois.

À Taïwan, le gouvernement a de même mis en place une “enceinte virtuelle” pour mieux “encercler” les zones de quarantaine. Les outils numériques, dans ce cas, alertant les autorités si des résidents essayaient de quitter la zone ou simplement fermaient leur téléphone. Aux États-Unis, au moins une vingtaine de sociétés seraient en train de développer des outils de traçabilité.

Au Liban, le recours à des outils numériques se développe. Le ministère de la Santé a créé plusieurs applications mobiles parmi lesquelles un chabot WhatsApp qui apporte au grand public le maximum d’informations sur la maladie, sa prévention et son évolution. Environ 150.000 personnes s’y sont déjà connectées. Le ministère a également lancé un “Covid-19 Symptom Checker”, disponible sur le site du ministère ainsi que sur les plates-formes Apple ou iOS, qui a séduit fin avril 45.000 utilisateurs uniques. «Toute la communauté est en train d’essayer de développer des solutions technologiques : de jeunes ingénieurs mais aussi des entreprises libanaises ou internationales nous aident bénévolement», atteste Lina Abou Mrad.

À défaut d’une solution locale, le pays pourrait s’appuyer sur les outils communs de suivi des malades développés par des groupes internationaux, à l’image d’Apple et de Google, qui devraient être disponibles à partir de mai. Mais «nous pourrions sortir plus rapidement que ces deux compagnies notre propre solution, basée sur la technologie GPS et Bluetooth, pour mettre en œuvre une traçabilité généralisée», assure la directrice de la santé numérique du ministère.

Malgré toutes ces mesures, le retour à la “vie d’avant” n’est pas pour demain. Le risque d’une deuxième vague de contaminations plane toujours sur le monde et le Liban. «Nous ne pouvons pas savoir si celle-ci sera pire ou meilleure», préviennent Michèle Kosremelli Asmar et Ibrahim Bou Orm.

Le port du masque

La distanciation sociale ainsi que les "gestes barrières” devraient se maintenir encore longtemps, au moins jusqu’à l’arrivée d’un vaccin, et le port du masque se généraliser. De nombreux pays l’imposent désormais à l’ensemble de la population, appelée à utiliser des masques en tissu, même si leur efficacité n’a pas été démontrée. Le Liban, qui jusque-là suivait les recommandations de l’OMS, réservant son usage aux personnes malades ou présentant des symptômes, vient lui aussi de le rendre obligatoire dès qu’on sort dans la rue. Pour les industriels, qui se sont jetés dans la bataille de la production de masques pour que le grand public comme les professionnels de la santé ne soient pas dépendants d’un approvisionnement étranger défaillant, c’est une bonne nouvelle.

Différents tests sur le marché

Pour le moment, seul le test moléculaire par “PCR” est réalisé au Liban. Basé sur la détection du code génétique du coronavirus, il révèle si un malade est infecté par le virus au moment où il est effectué. Un échantillon de mucus, le plus souvent à l’arrière du nez, est prélevé et analysé en laboratoire. Si le virus est présent, le test est positif. Même s’il existe des “faux négatifs”, ce test est assez fiable. Il faut 24 heures en moyenne au Liban pour connaître le résultat. Gratuit dans les hôpitaux gouvernementaux (il coûte environ 40 dollars l’unité au ministère de la Santé), il est payant dans les laboratoires privés, son prix étant fixé à 150 000 livres libanaises.

Le test sérologique, lui, détecte les anticorps produits par une personne qui a déjà été infectée. Cette méthode, qui nécessite une prise de sang, permettrait d’identifier les individus ayant contracté la maladie, même s’ils n’ont pas développé de symptômes, et qui pourraient donc être immunisés. Une centaine de laboratoires dans le monde travaillent à la validation de ces tests, mais les résultats ne sont pas encore jugés assez fiables. Au Liban, ce test n’est pas encore reconnu. « L’interprétation de ces résultats peut s’avérer problématique et génératrice d’un grand nombre de faux positifs ou de faux négatifs », explique Inaya Ezzedine.

De nombreux pays sont en train de développer aussi des tests sérologiques rapides, qui permettraient d’obtenir un verdict en quelques minutes grâce à une gouttelette de sang déposée sur une bandelette d’analyse. Aux États-Unis, ou le groupe abbot voudrait en mettre rapidement sur le marché, la Food and Drug Administration ne les autorise qu’à titre “exceptionnel”. S’ils se généralisent, ces tests seraient destinés dans un premier temps au personnel soignant et aux personnes a risques.