La plupart des propriétaires refusent désormais d’être intégralement payés par chèque bancaire. La pénurie de biens disponibles, sans apport en « dollars frais », a entraîné une flambée des prix.

Élie Abi Hanna

La peur d’un « haircut » sur les dépôts et le contrôle des capitaux imposé de facto par les banques poussent de nombreux épargnants à se tourner vers l’immobilier pour sauver leurs économies. Selon Ramco Real Estate Advisors, environ un millier d’appartements ont été vendus à Beyrouth au cours des douze derniers mois. Les transactions se sont focalisées sur des quartiers comme le centre-ville, Ras Beyrouth, Verdun, Jnah, Saïfi, Gemmayzé, Mar Mikhaël, Sursock et Furn el-Hayek.

Si la demande s’est tassée au lendemain des explosions du 4 août 2020, les retardataires sont désormais confrontés à une double sanction : il n’y a quasiment plus d’appartements à vendre dans la capitale contre un chèque bancaire et la valeur des derniers biens sur le marché a explosé.

« Nous avons beaucoup de demandes de la part de clients, avec des budgets entre 400 000 et un million de dollars, qui veulent acheter en utilisant leur argent au Liban. Le problème est que plus personne ou presque n’accepte d’être intégralement payé par chèque. C’est frustrant. Nous n’arrivons plus à travailler », confie Chantal Mille Arida, de l’agence immobilière B in Beirut.

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Depuis que les banques ont imposé des restrictions sur les retraits des capitaux des épargnants, la grande majorité des propriétaires exigent un apport en « dollars frais », en liquide ou par transfert depuis l’étranger. Les derniers qui acceptent des paiements par chèque sont les promoteurs qui n’ont pas encore remboursé leur dette auprès des banques.

À Achrafieh, une poignée d’appartements neufs, construits au cours des cinq dernières années, sont encore sur le marché, principalement dans les quartiers de Sioufi, de la corniche du Fleuve et du Grand Lycée. Ce stock représente une dizaine de produits dont le prix minimum se situe autour d’un million de dollars.

Des choix par défaut

« Les clients réalisent qu’il ne reste plus beaucoup d’appartements disponibles et qu’ils ont raté le coche d’il y a encore quelques mois, lorsque le stock était plus important et que les ventes se réalisaient en un temps record. Il reste bien des appartements en construction payables par chèque. Mais les clients sont encore réticents à acheter un bien pas terminé et sans titre de propriété », explique Chantal Mille Arida.

« Les acheteurs potentiels n’ont plus beaucoup de choix. Les meilleurs biens ont été déjà vendus au début de la crise. Ils doivent se contenter du stock qui était encore invendable il y a un an. Ces appartements étaient soit trop chers, soit avaient des défauts comme des chambres trop petites ou des surfaces inadéquates pour le standing du quartier... » ajoute un agent immobilier qui préfère rester anonyme pour ne pas froisser ses clients promoteurs.

Faute de mieux, les investisseurs s’y intéressent quand même et les ventes se multiplient. Des immeubles qui était vides depuis plusieurs années ont enfin trouvé preneur. Un promoteur dont le projet se trouve à quelques mètres de la place Sassine a ainsi vendu 28 appartements entre juin et novembre 2020, pour un montant de plus de 40 millions de dollars.

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Sollicités par toutes les agences immobilières de la ville, les derniers promoteurs qui acceptent des paiements par chèque sont toutefois conscients de la situation et en profitent pour revoir leurs tarifs à la hausse. Dans un immeuble à Achrafieh, par exemple, les prix ont augmenté de 25 % depuis juin 2020, soit l’équivalent de 900 dollars de plus par m². La valeur d’un appartement de 325 m² est ainsi passée de 1,2 à 1,5 million de dollars.

Un autre promoteur dont l’immeuble était terminé depuis 2014 a augmenté de 20 % ses tarifs depuis mai 2020. Mais cela ne l’a pas empêché de vendre dix-neuf appartements en six mois.