Un article du Dossier

Dalieh : le front de mer de Beyrouth sera-t-il entièrement privatisé ?

Le représentant des propriétaires de 90 % des terrains de Dalieh – en grande majorité les héritiers de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri – livre en exclusivité au Commerce du Levant des informations sur leur projet d’exploitation des parcelles de Dalieh. Il a cependant souhaité conserver l’anonymat.

Les héritiers de Rafic Hariri, propriétaires de la majorité des terrains de Dalieh, ont-ils des projets concrets pour exploiter ces parcelles ?
Les propriétaires majoritaires ont fait appel à une société de consultants pour étudier les possibilités d’exploiter nos terrains sur toute la façade sud du littoral beyrouthin, notamment à Dalieh. La meilleure option préconisée par l’étude pour Dalieh est de transformer les parcelles en parc public, après leur acquisition par la municipalité de Beyrouth. Mais cette solution représente un investissement important pour la municipalité et ne semble donc pas réalisable. La seconde option porte sur la construction d’un projet mixte, avec 25 000 m² d’espaces publics et 86 000 m² sur lesquels seront érigés deux petits boutique-hôtels, un mall, un aquarium et des unités résidentielles. Ce projet mixte est considéré comme le plus approprié.
Les deux autres alternatives sont soit de laisser les terrains tels quels, sans les exploiter, ce qui représente un coût d’immobilisation pour les propriétaires ; soit de construire un projet en respectant le zoning actuel, tout en restreignant l’accès au public sur les parcelles privées.

Le projet à usage mixte qui est privilégié prévoit-il des espaces publics et un libre accès à la mer ?
Environ 25 000 m2 seront des espaces publics, essentiellement dans la zone qui fait face à la Grotte aux Pigeons et au bord du rivage. Les propriétaires des terrains prévoient également d’élargir la corniche vers la mer sur une profondeur de 30 mètres, en créant un parc, avec un parking situé juste en dessous. La vue sur la mer depuis la corniche ne sera pas affectée, puisque les bâtiments se situeront en contrebas. Il n’est pas question d’exploiter ensuite le domaine maritime public, en construisant par exemple une marina.

Pourquoi faudrait-il obtenir la modification du zoning de Dalieh pour réaliser le projet à usage mixte ?
Pour que le projet soit viable économiquement, il est indispensable d’augmenter la surface constructible. Le coefficient d’exploitation au sol devra au maximum atteindre 60 %, alors qu’il est actuellement de 15 %. La loi prévoit que ce pourcentage d’exploitation peut être doublé pour les propriétaires de plus de 20 000 m2. Pour obtenir ce changement, les propriétaires auront besoin de l’aval de la municipalité, de celui de la direction générale de l’urbanisme et éventuellement d’un décret exceptionnel du Conseil des ministres.

Avez-vous obtenu l’accord des autres propriétaires qui possèdent 25 % des parcelles ?
Personne n’a encore pris de décision, y compris parmi les majoritaires. Nous présenterons très prochainement notre étude aux propriétaires minoritaires. Leur accord est nécessaire, mais pas suffisant. Nous pourrions aussi envisager une nouvelle division des parcelles. La BankMed, par exemple, qui appartient à plusieurs membres de la famille Hariri et possède 30 % des terrains de Dalieh, n’est pas légalement autorisée par les réglementations bancaires à mener des activités de promotion immobilière.

Pourquoi vous êtes-vous opposés à la réhabilitation du port de pêche de Dalieh planifiée fin 2012 par le ministère des Travaux publics ?
Nous sommes effectivement intervenus pour stopper ce projet, qui aurait beaucoup déprécié la valeur des terrains des propriétaires majoritaires, mais nous ne sommes pas les seuls responsables de l’arrêt des travaux. L’entrepreneur chargé de l’extension du port voulait dynamiter des caves souterraines, et n’a pas obtenu l’autorisation de l’armée libanaise. Étant donné la nature et l’ampleur des travaux programmés, nous avons estimé qu’il y avait anguille sous roche et qu’il ne s’agissait pas seulement d’un projet de réhabilitation.

Votre nouveau projet immobilier n’est-il pas une fin de recevoir à la société civile qui s’est mobilisée pour préserver le caractère public de Dalieh ?
Le projet que nous proposons prend en compte toutes les préoccupations et les intérêts de tous, puisqu’il conserve 25 000 m2 d’espaces publics en bord de mer. Nous sommes prêts à organiser des rencontres avec la société civile pour expliquer les conclusions de l’étude dans le détail. Les propriétaires des terrains essaient de trouver la meilleure solution pour le bien-être des Beyrouthins tout en respectant le droit à la propriété privée. Si ce projet voyait le jour, il permettrait aussi la création de 2 000 emplois directs et indirects, et contribuerait positivement à l’économie.



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