En octobre se tenait à Beyrouth la troisième édition du forum 4M pour les médias du monde arabe et du Maghreb. Il a rassemblé plus de 200 acteurs du secteur pendant trois jours qui ont discuté
de la redéfinition du paysage médiatique dans le monde arabe, de l’innovation en termes de production de contenus et de l’économie du monde des médias. Au Moyen-Orient,
90 millions de personnes utilisent Internet, soit 40 % de la population.

Ce forum clôturait le cycle de formation 4M Machrek débuté en janvier pour 10 projets portés par des équipes libanaises, syriennes et irakiennes. Un programme financé par CFI, filiale du groupe France télévisions, soutenue par le ministère des Affaires étrangères, elle est l’agence française de développement médias et travaille avec plus de 150 partenaires des pays du Sud (Afrique, monde arabe, Balkans, Caucase, Asie). 4M vise à soutenir les futurs acteurs de l’information en ligne pour encourager la pluralité des médias et les diversités des contenus éditoriaux.
À l’issue de cinq sessions de formation d’une semaine chacune organisées à Beyrouth entre avril et octobre 2014 voici un tour d’horizon des projets libanais et l’avis du chargé du programme, Julien Le Bot, plutôt confiant quant à leur avenir.

Lebanese Media Monitor

Le principe : cette plate-forme recense les erreurs journalistiques dans les quotidiens et leur site Internet ainsi que lors des prime time politiques des télévisions libanaises. Le site créé par Assaad Zebian a pour objectif d’inciter à la professionnalisation accrue du secteur médiatique. L’aventure avait commencé par un blog. Avec 4M, Assaad Zebian a développé le design de sa plate-forme et a évolué vers un site Internet.
Depuis sa création il y a un an, plus de 30 rapports ont été produits.
Financement : il repose sur les subventions d’institutions internationales et la production de rapports sur le monde des médias, revendus à des compagnies privées intéressées par la connaissance du paysage médiatique du Liban. En mars 2014, Lebanese Media Monitor a déjà produit pour la fondation SKeyes un rapport sur les prime time des télévisions libanaises. Le prochain, en cours de préparation, traitera de la couverture du secteur du pétrole et du gaz dans le pays.
Avis du formateur : un projet assez simple à mettre en place, même s’il demande beaucoup de temps de veille des médias notamment.

Mashallah News

Le principe : créé en 2010, le site vise à couvrir divers thèmes culturels et sociaux du monde arabe, la Turquie et l’Iran en anglais, français, arabe et turc. En novembre, une nouvelle plate-forme a été lancée. Plus interactive, avec l’ajout de cartes permettant de localiser les rédacteurs, les sujets traités, tout en donnant accès à un tableau de bord pour les lecteurs et en offrant davantage de personnalisation. L’objectif au cours de l’année est d’augmenter le lectorat et la visibilité, et de développer des partenariats avec d’autres médias.
Financement : gratuit, le site est financé par des subventions d’ONG ou de sponsors privés. L’une des pistes envisagées à l’avenir est d’organiser des événements payants autour de thématiques touchant la région.
Avis du formateur : la palette créative est maintenant en place pour produire des articles capables de parler autrement des métropoles de la région qui ne se résument pas à ce que peuvent montrer les paquebots rédactionnels internationaux. Au-delà, l’engagement de Mashallah News et le réseau qu’il tisse peuvent en faire un acteur original et innovant du “slow-journalism” dans la région.

Frame – Beirut Photos Marathon

Le principe : Frame est un projet de plate-forme de documentation média citoyenne qui utilise la photographie pour inciter les citoyens à donner leurs points de vue personnels sur la ville et ses habitants, et entamer des discussions sur les questions stratégiques pertinentes à Beyrouth et au-delà. Ses fondateurs, Ali Sayed Ali et Maroun Sfeir, organisent chaque année depuis deux ans un événement, le Beirut Photo Marathon, 12 heures, 12 thèmes et des photographies pour documenter la ville.
Financement : subventions d’institutions internationales et partenariats avec des médias, comme Rue 89 pour l’édition 2014 du Beirut Photo Marathon.
Avis du formateur : les deux créateurs sont en situation de pouvoir très largement développer leur ONG en “dupliquant” leur modèle à l’étranger, dans d’autres villes. Ils peuvent également s’associer à des médias pour explorer et exploiter leur base de données de photos et se financer.

Knooz Room

Le principe : utiliser la pluralité des médias existants (audio, vidéo, écrit) sur le Net pour raconter des histoires avec du fond et une esthétique soignée. La plate-forme a été lancée par Tamara Qiblawi et Mireille Raad. Elles sont à la fois complémentaires et créatives, et rassemblent les compétences qui manquent parfois aux rédactions : sens du récit transmédia (ou, à défaut, multimédia), code créatif, gestion de projet, approche collaborative.
Financement : sponsors et vente de contenus à des rédactions.
Avis du formateur : leur marque de fabrique les met au niveau de bien des agences européennes ou occidentales : les technologies utilisées, la qualité des recherches de sujets et l’approche exigeante. Un potentiel évident (dans la région, voire à l’international).

Beirut Report

Le principe : un site d’investigation spécialisé sur les sujets traitant des services publics et de la gouvernance au Liban. Il vise à encourager les citoyens à s’impliquer en aidant les journalistes à rechercher des infos, en demandant plus de transparence et aux politiques de rendre des comptes sur leurs actions.
Financement : le site est pour le moment autofinancé par son créateur Habib Battah. Il recherche des financements par le biais de bourses, de sponsors et de publicités. L’année prochaine, il compte poursuivre cette recherche d’investissement afin de recruter une petite équipe de journalistes pour l’aider dans ses enquêtes.
Avis du formateur : s’il peut accélérer le développement de son audience et de son site, on peut imaginer que Beirut Report se dote d’outils permettant de faire pression sur l’espace public. Il lui faut à la fois développer l’interactivité sur sa plate-forme et s’entourer de journalistes.