Derrière un nom mystérieux, Iron Heyoka, se cache une société de production libanaise lancée le 8 octobre. L’appellation signifie littéralement chamans amérindiens, compteurs d’histoires (Heyoka) à la sauce industrielle (Iron). Les quatre jeunes à l’origine de l’entreprise ne cachent pas leur ambition : faire des séries de qualité pour la télévision ou pour le Web s’adressant aux 18-30 ans. Un public jeune souvent peu intéressé par les traditionnels programmes syriens ou turcs diffusés à la télévision. Mais pas question pour cela de copier un style, les séries seront libanaises, y compris l’accent, et sous-titrées pour capter un public régional, pour commencer.
Pour diffuser une partie de leurs créations, ils comptent s’appuyer sur le Net, créer une chaîne YouTube, rassembler une audience de fidèles et la monétiser grâce à la publicité. « Tout en faisant appel en parallèle au crowdfunding ou aux sponsors et aux investisseurs », explique le gestionnaire de l’équipe Ramzi Assaf. Leur premier projet de Web-série, “Rkod !” (cours ! en français), est en gestation. C’est l’histoire d’un superhéros dans le monde de l’industrie musicale libanaise. Il est coproduit par la société Keeward, qui prend en charge la préproduction, les deux premiers épisodes et l’univers de la série (site Internet, marketing, etc.) pour un montant non communiqué. À charge pour eux de trouver des investisseurs pour produire la suite de cette série pensée en épisodes courts de 10 minutes chacun « pour coller au tempo du Web », explique Carlo Mouzannar, cofondateur de Iron Heyoka. Ce format court permet de réduire les budgets avec des temps de tournage inférieurs d’un à deux mois par rapport à ceux d’une série TV. Un projet dans la lignée des précurseurs “Beirut I Love You” ou “Shankaboot” (deux Web-séries/séries TV à succès, lancées en 2011 et 2010) et dont l’audience sur le Web était constituée aux trois quarts par des internautes hors Liban, issus de la diaspora ou non.
Pour porter cette aventure, une SAL au capital de 20 000 dollars a été enregistrée par les quatre partenaires. Tout a commencé avec le projet de fin d’études de Daniel Habib. Carlo Mouzannar, son ami d’enfance, y participe en tant que producteur. Tous les deux apprécient l’exercice. Ils rencontrent Ramzi Assaf, à qui ils s’associent pour ses qualités de gestionnaire, et à Mark Eid pour compléter les aspects artistique et technique. Pour le moment, aucun des quatre fondateurs ne se verse de salaire, et tous ont un autre emploi. Le premier investissement versé au capital de l’entreprise a servi à financer la production d’un pilote, destiné à la présentation d’une série TV, “Sevra” pour laquelle l’équipe cherche encore des investisseurs. Une histoire de « gangsters libanais à l’esthétique puisée dans les westerns », selon Daniel Habib, dont ils ont tourné un premier épisode d’environ 20 minutes. « Une note d’attention à destination des financeurs, explique Marc Eid. Ainsi on montre notre savoir-faire. » L’équipe ne compte pas se cantonner à un seul genre. Consciente de faire partie d’une caste d’aventuriers sur un terrain encore peu balisé dans la région, elle n’en a pas moins de l’ambition : son regard est tourné vers le cinéma, mais aussi à plus long terme vers le lancement d’une chaîne sur le Web, diffusant des contenus créatifs de qualité chaque semaine.