L’armée souffre. Oh la grande et belle surprise! Pour quiconque est payé en livres libanaises, la nouvelle n’a rien de bien singulier. Comme les fonctionnaires de l’État, qui appellent à une grève ce vendredi, comme la plupart des salariés du privé, les soldats ont vu leur pouvoir d’achat balayé. Avec un dollar à plus de 10.000 livres cette semaine sur le marché noir, il n’en reste plus rien. «Vous voulez une armée ou vous n’en voulez pas?» a interpellé ce lundi le commandant en chef, le général Joseph Aoun, en s’adressant à une classe politique qui a gonflé les rangs de l’institution sans se donner les moyens d’en assumer les conséquences.

Pour régler l’affaire, Ali Hassan Khalil a sorti de son chapeau une «mesure d’urgence» dont on louerait la générosité si elle avait une chance d’être d’un quelconque effet: octroyer à chaque soldat un million de livres supplémentaires. L’ancien ministre des Finances est pourtant censé savoir que faire tourner la planche à billets est précisément ce qu’il ne faut pas faire. Mais non, continuons d’imprimer de la livre et payons en monnaie de singe la population qui se plaint. Après tout, les Libanais ne s’en rendront peut-être pas compte!

Incapable de proposer la moindre issue à la crise, l’oligarchie communautaire poursuit son éternelle fuite en avant. L’armée, au moins, a le panache d’une solution plus originale : allouer des hommes à la culture de la terre pour espérer les nourrir.

Muriel Rozelier



Autre exemple de fuite en avant cette semaine : les responsables politiques ont une nouvelle fois accusé les changeurs et les plateformes électroniques d'être à l'orgine du chaos sur le marché noir. Mais l’opacité de  ce marché est telle, qu’on ne peut pas se demander pourquoi les autorités laissent faire.


D’une crise à l’autre, sur le front sanitaire, les cas de Covid-19 repartent à la hausse. À dix jours de la 4e phase du déconfinement, la tendance interroge sur l’efficacité des mesures annoncées pour accompagner la reprise de l’activité. Des mesures qui, en l’absence de mesures de contrôle, reposent sur la bonne volonté des entreprises.



EN CHIFFRES

À l’occasion de la journée internationale des droits de la femme, le 8 mars, la Banque mondiale a publié l’édition 2021 du rapport «Les Femmes, l’entreprise et le droit», qui compare les lois et réglementations affectant les opportunités économiques des femmes dans 190 pays. Un état des lieux pas glorieux pour le Liban.


LE DÉCRYPTAGE 


Face à la crise bancaire, la BDL se contente de colmater les brèches 

La Banque du Liban (BDL) a donné le coup d’envoi d’une restructuration du secteur bancaire censé permettre de «relancer graduellement l’activité» mais dont la portée ne répond clairement pas à l’ampleur de la crise. Même si les banques parviennent à remplir les conditions de la circulaire 154, la reprise du secteur reste tributaire d’un plan global de sortie de crise. 


L'ÉCLAIRAGE


Une étude publiée par l’Institut Issam Farès (IFI) pour les politiques publiques de l’AUB déconstruit les mythes de la privatisation au Liban, et souligne la complexité du débat sur la vente des actifs de l’État. Compte rendu. 


LES BONNES NOUVELLES  


Basma, la start-up de dentisterie numérique libanaise, vient de lever 3 millions de dollars en série A, principalement auprès du fonds d’investissement régional MEVP.


Facebook a lancé l’initiative #LoveLocalLebanon pour soutenir les PME libanaises, avec 600.000 dollars à la clé.