Un article du Dossier

État des lieux de la presse libanaise

Le 36e Congrès annuel des journaux (WAN) et le 17e Forum des éditeurs mondiaux (IFRA) devaient se tenir au Liban du 7 au 10 juin 2010, sous l’égide du quotidien an-Nahar. Le premier est annulé, le deuxième reporté du 6 au 8 octobre à Hambourg, en raison de « l’incapacité de l’hôte libanais de tenir ses engagements financiers », selon l’organisation internationale.

Le président de la WAN-IFRA Gavin O’Reilly explique qu’il est « impossible de poursuivre sans l’engagement de nos collègues libanais, qui sont responsables de la sécurité et autres dépenses d’infrastructure et de services importants ». Le Nahar dans son communiqué de presse met en avant la crise financière, économique et politique de 2009 dans la région pour expliquer son manquement à son engagement. Le coût total de l’événement, entre la sécurité, la location et les dépenses courantes, était estimé à 1,6 million d’euros (2,1 millions de dollars) et ne pouvait pas être couvert par les frais d’enregistrement seuls.

L’organisation du congrès et la recherche de sponsors pour financer l’événement ont été respectivement confiées à une équipe du Nahar et à Yasser Akkaoui, rédacteur en chef d’Executive Magazine. Ce dernier explique que la crise économique qui a touché le Moyen-Orient en 2008-2009 a mis les éditeurs sur les rotules : « Lever deux millions de dollars de fonds signifie que nos plus grands sponsors doivent aligner 300 000 dollars, et les plus petits entre 75 000 et 100 000 dollars, précise-t-il. Or, la chute drastique des revenus publicitaires dans l’industrie n’a épargné personne. ». Et il va sans dire que si les éditeurs du Golfe n’ont pas les moyens de financer un tel événement, les éditeurs du Liban, de taille beaucoup plus modeste, ne peuvent pas suivre non plus. « Le seul moyen d’organiser un événement de cette importance au Liban était de miser sur sa dimension régionale, affirme Akkaoui. C’était la première fois que le Congrès de la WAN devait avoir lieu dans un pays arabe. » Dans sa recherche de sponsors, le rédacteur en chef d’Executive a également approché l’industrie technologique (compagnies de mobiles, de logiciels, etc.), car le congrès tournait autour du thème de l’utilisation des nouvelles technologies dans la presse ; même elle était dans l’incapacité de trouver les fonds nécessaires.  À noter que les principes de la WAN l’empêchent d’accepter tout sponsoring politique ou gouvernemental : il semblerait que Saad Hariri ait proposé son aide, mais que la WAN ait refusé.

Un autre facteur qui a pu jouer en défaveur du Liban dans la recherche de financements est que sa désignation comme pays hôte de la WAN-IFRA est arrivée tardivement, en décembre dernier, « ce qui nous laissait moins de quatre mois pour lever les fonds, regrette Akkaoui. Il aurait fallu que nous puissions approcher les compagnies avant octobre, date à laquelle les budgets de l’année suivante se décident. » D’habitude, la WAN-IFRA désigne les pays hôtes au moins un an à l’avance. Mais en 2009, son congrès annuel avait dû être reporté de mars à décembre en raison de la crise économique mondiale, ce qui a retardé d’autant le processus de sélection du Liban comme pays organisateur en 2010. Ce calendrier serré signifie qu’« en termes de débat et de contenu, l’impact de l’annulation du Congrès de la WAN est limité, selon Larry Kilman, directeur de la communication et des affaires publiques pour la WAN-IFRA, puisque la plupart des thèmes ont été abordés en Inde il y a moins de six mois ». Et que le gros des sujets à aborder au Forum des éditeurs mondiaux a été reporté à octobre, juste après l’IFRA Expo.

Par contre, l’impact financier de l’annulation du congrès est sévère pour l’organisation internationale et se mesure en centaines de milliers de dollars de dépenses déjà engagées, non couvertes par les assurances.

Le Nahar n’est pas épargné non plus, qui a investi également un montant important (non divulgué), dans l’organisation du congrès. Ghassan Hajjar, le rédacteur en chef du Nahar, explique qu’avant de finaliser la candidature du Liban comme pays hôte du Congrès de la WAN et du Forum des éditeurs, le quotidien avait approché les compagnies média de la région pour s’assurer de leur soutien ; la plupart avaient montré leur intérêt pour l’événement, deux ou trois sociétés s’étaient même engagées sur leur financement.  Le Nahar avait donc lancé le processus et entamé l’organisation du congrès. Mais au moment d’obtenir les fonds, les compagnies média se seraient rétractées, arguant, selon Hajjar, de la persistance de l’impact de la crise économique et des rumeurs de guerre qui ont secoué le pays du Cèdre ces derniers mois. Le Nahar s’est alors retourné vers la WAN-IFRA en lui demandant de financer l’événement, à hauteur de moitié environ ; mais l’organisation internationale n’en avait pas les moyens.

Quelque 700 personnes s’étaient déjà inscrites aux rencontres de Beyrouth, ce qui laisse supposer que plus d’un millier d’éditeurs, PDG, rédacteurs en chef, directeurs généraux et autres dirigeants du secteur de la presse auraient fait le déplacement. Au-delà du manque à gagner financier – dépenses d’hôtels, de nourriture, de transport, de loisirs, etc. – engendré par l’annulation, le Liban a manqué l’opportunité de créer « le plus grand événement de relations publiques jamais organisé en sa faveur, regrette Akkaoui. Nous aurions pu sensibiliser les plus grands rédacteurs et rédacteurs en chef mondiaux à la donne libanaise, et les rendre plus à même de retranscrire la vérité libanaise dans leurs parutions ».

La WAN-IFRA

La WAN-IFRA, basée à Paris en France et à Darmstadt en Allemagne, avec des filiales à Singapour, en Inde, Espagne, France et Suède, est l’Association mondiale des journaux et des éditeurs de médias d’information. Elle représente plus de 18 000 publications, 15 000 sites web et plus de 3 000 sociétés dans plus de 120 pays. L’association est issue de la fusion de l’Association mondiale des journaux et de l’IFRA, l’organisation mondiale de recherche et de services pour l’industrie de la presse.

Elle organise trois événements annuels majeurs : le Congrès de la WAN, dont le contenu est surtout orienté business, selon Larry Kilman, directeur de la communication et des affaires publiques ; le Forum des éditeurs, axé sur le contenu éditorial ; et l’IFRA Expo, qui consiste en une foire commerciale où les acteurs du marché se rencontrent.

En 2010, l’IFRA Expo se déroule à Hambourg, en Allemagne, du 4 au 6 octobre. Le Forum des éditeurs y a été reprogrammé dans la foulée, du 6 au 8 octobre.


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