Un article du Dossier

L’absence de législation freine la construction écologique

Pour convaincre les investisseurs, les défenseurs de l’écoconstruction comptent sur les avantages économiques des bâtiments verts qui offrent un bon retour sur investissement pour un faible surcoût.
 

«Il n’y a pas vraiment de barrière économique à la construction écologique », affirme Rabih Khairallah, de l’ordre des ingénieurs et des architectes. Respecter les normes écologiques et améliorer l’efficience énergétique d’un bâtiment coûte certes plus cher que d’utiliser les méthodes de construction classique, mais le surcoût est finalement peu élevé. Selon les études internationales, il varie de presque zéro à environ 7 %. En contrepartie, le promoteur est assuré de vendre son projet à un prix plus élevé et l’acheteur de réaliser d’importantes économies sur le long terme.
Lorsque le souci écologique est pris en compte dès le début d’un projet, de nombreuses mesures peuvent être appliquées sans alourdir le coût de la construction. « Si l’on définit la forme et l’orientation d’un bâtiment de façon à réduire sa consommation d’énergie, dès la phase de conception et de design, cela ne coûte rien en plus », explique l’architecte Guillaume Crédoz. « Lorsque l’on réalise des constructions de qualité, ce qui est déjà la norme dans les nouveaux projets immobiliers, le surcoût pour que les bâtiments respectent les standards de la construction écologique n’est que de 2 à 3 % », ajoute Rabih Khairallah. Quelques aides financières sont aussi disponibles auprès des banques et facilitent le financement de projets écologiques.

Un argument commercial

Pour les promoteurs et les propriétaires, les immeubles verts représentent un investissement particulièrement rentable, car les avantages liés à l’amélioration du cadre de vie et aux économies d’énergie se traduisent aussi dans la valeur de l’immeuble. « On estime que la construction écologique permet une hausse d’environ 7,5 % de la valeur des bâtiments », assure Samir Traboulsi, président du Conseil libanais pour la construction écologique (LGBC). Toujours selon les chiffres cités par Traboulsi, les loyers pratiqués dans les immeubles écologiques dépasseraient d’environ 3 % ceux en vigueur dans les bâtiments classiques.
L’écologie a en effet le vent en poupe. Garantie d’un habitat sain, économe en énergie et respectueuse de la nature, la construction écologique séduit acheteurs et locataires potentiels. D’où la floraison de projets immobiliers brandissant les couleurs de l’écologie en citant notamment l’une des différentes certifications existantes comme garantie. Utilisées internationalement, ces certifications sont, au Liban, le seul moyen de distinguer les projets réellement soucieux de l’environnement des autres. « Faire certifier un bâtiment, c’est apporter des garanties, cela donne de la crédibilité », explique Maya Karkour, directrice de l’agence Ecoconsulting.
Mais si la certification constitue un véritable argument commercial, elle a aussi un coût. Aux frais relatifs à la certification elle-même s’ajoute la rémunération des consultants en écoconstruction, dont les compétences sont souvent nécessaires pour obtenir un bon niveau de certification. « Tout dépend du niveau d’intervention et du projet, mais il faut compter environ 20 000 dollars pour un petit bâtiment résidentiel et jusqu’à 100 000 dollars pour des projets plus complexes », explique Maya Karkour. Des frais supplémentaires que les promoteurs peuvent amortir au moment de la vente.
Les acheteurs comptent en effet sur les importantes économies d’énergie réalisées dans les bâtiments écologiques pour amortir leur investissement. Ces économies peuvent être substantielles. Selon une étude à paraître, menée par le Forum arabe pour l’environnement et le développement, si un investissement de 20 milliards de dollars était réalisé pour améliorer l’efficience énergétique et la gestion de l’eau des bâtiments dans les pays arabes, cela permettrait d’économiser l’équivalent de 100 milliards de dollars d’eau et d’électricité sur une période de dix ans. De même, d’après les résultats d’une opération pilote menée sur cinq projets immobiliers par l’Association libanaise de maîtrise de l’énergie et de l’environnement, il est possible de réduire de 30 à 50 % la consommation d’énergie d’un bâtiment et d’économiser 1 500 kWh par an et par logement, pour des surcoûts de l’ordre de 5 à 10 %.
Outre les économies d’énergie, les acheteurs sont aussi assurés de limiter les frais de maintenance du bâtiment. Ainsi, l’entretien des constructions écologiques est souvent plus facile, car ces bâtiments sont conçus avec l’objectif de limiter les besoins en énergie et la pollution pendant toute leur existence. Selon Samir Traboulsi, les coûts d’exploitation des bâtiments verts sont réduits de 8 à 9 %.
Lorsque celui qui occupe un bâtiment en est aussi le promoteur, les délais de remboursement des investissements supplémentaires réalisés sont donc relativement courts. Ils varient de quelques mois à quelques années. « En ce qui concerne l’amélioration de l’isolation et de la qualité de l’enveloppe d’un bâtiment, on peut considérer que le délai de retour sur investissement est de deux ans », estime l’ingénieur Rabih Khairallah. Selon les estimations de Samir Traboulsi, l’investissement réalisé pour changer le système d’éclairage d’un bâtiment peut par exemple être remboursé en un an ou deux. « Les économies réalisées sur les factures d’eau et d’électricité se prolongeront pendant toute la durée de vie du bâtiment », ajoute le président du Conseil libanais pour la construction écologique.
 

Les aides financières disponibles
La Banque centrale a lancé en 2010 l’Action nationale pour l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables (NEEREA), qui propose des prêts bonifiés sur une période de 14 ans maximum et s’adresse entre autres aux projets de construction écologique. Selon la BDL, NEEREA pourrait assurer jusqu’à 100 millions de dollars de prêts pour les cinq années à venir.
En termes d’équipements, les chauffe-eau solaires, souvent utilisés dans les bâtiments verts, bénéficient également d’un programme de prêts à taux zéro, dans le cadre d’un programme de financement lancé par le ministère de l’Énergie et des Ressources hydrauliques
et la BDL.

 

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