Un article du Dossier

Plages : l’horizon se dégage après des années difficiles

À Batroun, Pierre Tannous cultive la gratuité comme un argument de vente. « Les Libanais ne devraient pas avoir à payer pour aller à la plage, il s’agit d’un endroit public, en principe accessible à tout le monde », défend le gérant de Pierre and Friends tout en avançant une liste non exhaustive de ses voisins qui conditionnent l’accès à la mer à plusieurs dizaines de milliers de livres libanaises. Sur ses 2 000 m2 de terrain, Pierre and Friends dispose d’un bar de 200 places, d’une terrasse en bois de 180 places assises, ainsi que d’une centaine de matelas alignés sur une étroite plage de galets. Ouvert de début mai à la fin septembre, l’établissement peut accueillir en pleine saison chaque jour jusqu’à 2 000 personnes. Parmi sa clientèle, Pierre Tannous évoque « beaucoup d’habitués : des familles qui côtoient des jeunes, qui se mêlent aux retraités, des Libanais qui partagent l’espace avec les expatriés ». Le week-end, à la tombée du jour, la plage change de visage et laisse place à des soirées où alcool et musique s’imposent jusqu’au petit matin. Une source de revenus essentielle pour le gérant : ces soirées arrosées riment forcément avec bénéfices. « Nos recettes atteignent en moyenne 15 000 dollars en week-end », note l’entrepreneur. Pierre Tannous table également sur une carte libanaise faite de mezzé et de produits de la mer, avec des prix moyens similaires à ceux des établissements voisins. « En pleine saison, nos recettes s’élèvent de 100 000 à 110 000 dollars par mois », dit-il. De telles rentrées permettent ainsi au gérant de l’établissement d’assurer sans trop de difficultés le paiement des 60 000 dollars de loyer annuels reversés à l’église de Thoum, propriétaire de la plage. Depuis ses premiers pas en 2003, l’entrepreneur assure avoir mis sur la table plus d’un million de dollars, pour l’infrastructure d’une part, mais aussi pour tout ce qui concerne les frais d’entretien. « Des amis m’ont aidé pour démarrer, mais j’ai ensuite reversé mes bénéfices pour la saison suivante », explique-t-il parlant d’un modèle économique viable. Pourtant, son statut de locataire ainsi que les troubles qui agitent la région ne le placent pas à l’abri des difficultés. L’année dernière, Pierre Tannous confie avoir enregistré un léger recul dans son activité − une baisse de 6 % de son chiffre d’affaires par rapport à l’année précédente −, « du fait de l’instabilité régionale, de la guerre en Syrie et des débordements au Liban ». Mais l’homme d’affaires se veut optimiste et dit pouvoir s’appuyer sur une clientèle fidèle. « La confiance est revenue et la saison a déjà très bien commencé. »
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