Un article du Dossier

Plages : l’horizon se dégage après des années difficiles

Loin de la clientèle huppée majoritaire sur le littoral, le Cloud 59 se veut un lieu pour tous les Libanais. Sur la plage publique de Tyr, propriété de l’État, Dalia Farran occupe la dernière d’une cinquantaine de petites paillotes installées à la sortie de la ville. Sur cet emplacement de 12 mètres de largeur, la gérante dispose d’un bar, de quelque 80 tables et accueille en moyenne chaque été quelque 2 000 clients par semaine. Avec le temps, Cloud 59 s’est imposé dans l’esprit des amateurs du Sud comme le seul établissement de Tyr certifié “avec alcool”, ce qui en a fait sa popularité auprès notamment d’une clientèle d’expatriés. « C’est un très bon argument marketing, concède Dalia Farran, mais ce n’est pas complètement vrai, car la majorité des autres paillotes vendent aussi de l’alcool. Nous sommes en revanche les seuls à proposer des cocktails. » Ces derniers − tarifés entre 12 et 15 dollars − constituent, avec la cuisine libanaise, la seule source de revenu de l’établissement. Car sur le littoral de Tyr, qu’il s’agisse du Cloud 59 ou des autres établissements, l’accès à la plage est libre et gratuit. Les paillotes ne constituent qu’une porte d’entrée vers l’une des seules plages de sable fin longue de plusieurs kilomètres encore préservées du pays − des paillottes qui, une fois la saison achevée, sont retirées pour rendre à la plage son cachet naturel. « Je défends ardemment ce principe, j’aime la mer et je considère que les Libanais doivent pouvoir y accéder sans aucune condition », défend Dalia Farran. Sur les quelque quatre mois d’ouverture, de fin mai à début octobre, Dalia Farran paie en moyenne un millier de dollars par mois à la municipalité de Tyr, un loyer auquel il faut ensuite ajouter tous les frais de fonctionnement. Installée depuis 2003, la propriétaire originaire du Sud s’est lancée sur ses fonds personnels. Depuis, l’établissement gagne chaque saison en notoriété. « J’ai commencé avec un espace de huit mètres de large et avec onze employés, nous allons pour cette saison être près d’une quarantaine », explique Dalia Farran. Pour répondre à cette demande, elle investit davantage chaque année. « Pour cette saison, j’ai mis sur la table 35 000 dollars », confie-t-elle, en précisant avoir réalisé en 2016 un chiffre d’affaires proche des 100 000 dollars. Et qu’importe la situation sécuritaire instable qui effraie la majorité des investisseurs, la gérante originaire du Sud a appris à s’en accommoder. Si paradoxalement, la guerre de 2006 a stimulé son chiffre d’affaires − les ONG et les responsables internationaux ont afflué dans le Sud au lendemain du conflit −, d’autres événements peuvent avoir de lourdes conséquences sur ses résultats comme en 2012 lorsque les partisans du cheikh Ahmad el-Assir avaient bloqué à Saïda l’axe reliant Beyrouth au sud du pays. 
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