Après la fermeture des supermarchés The Sultan Center (TSC), l’enseigne de grande distribution Bou Khalil est à son tour dans la tourmente. La direction du groupe se dit toutefois confiante, affirmant être en discussion avec les fournisseurs, les banquiers et même un éventuel investisseur.

Bou Khalil risque-t-il de disparaître du paysage de la grande distribution au Liban ? Réagissant aux rumeurs qui circulent depuis plusieurs mois, le groupe familial assure qu’il n’a pas l’intention de «se retirer du marché», et qu’il met «en œuvre les mesures nécessaires pour surmonter les difficultés actuelles». Fermeture de quatre magasins, réduction des effectifs, négociation avec les fournisseurs et les banquiers, et discussion avec un autre acteur du secteur sur un éventuel partenariat, la famille Bou Khalil se dit confiante sur l’avenir de la société.

Ce n’est pas la première fois que cette enseigne historique est dans la tourmente. Le parcours de la petite épicerie créée en 1935 dans le souk de Baabda par Youssef Gergi Bou Khalil et devenue l’une des principales chaînes de supermarchés du pays est jalonné de hauts et de bas.

Première déconvenue : l’échec de l’introduction de Bou Khalil Markets SAL à la Bourse de Beyrouth en 1998. Accusée d’avoir violé les dispositions du code de commerce et les règlements boursiers, la société a dû retirer ses actions du marché en 2002. Deux ans plus tard, nouveau coup dur. Les investissements ambitieux réalisés durant les années précédentes pour développer le réseau de magasins ne portent pas leurs fruits, plombés par un contexte économique déprimé. Endetté auprès des banques à hauteur de 20 millions de dollars, le groupe subit une restructuration de dette et n’a pas plus le droit de contracter de nouveaux emprunts.

Privé de crédits bancaires, Bou Khalil résiste néanmoins. Il se modernise et multiplie les ouvertures pour exister face à des mastodontes comme Spinneys, TSC ou Carrefour, dans un contexte marqué par un ralentissement global. «Avec le début de la guerre en Syrie, en 2011, l’environnement général, régional et local, est devenu de moins en moins favorable pour l’activité commerciale», souligne son directeur général, Wajih Bou Khalil. Malgré cela, fin 2013, la chaîne investit 2,5 millions de dollars pour refaire et moderniser trois de ses magasins, et continue à ouvrir de nouvelles enseignes les années suivantes.

Mais le succès n’est pas au rendez-vous. Le chiffre d’affaires commence à baisser en 2015, passant de 70 millions de dollars à 68 millions en 2016, puis 63 millions en 2017 ; et les pertes s’accumulent pour le groupe. Or, à défaut de pouvoir contracter un crédit bancaire, «tous les investissements réalisés au cours de cette période ont été puisés dans la trésorerie de la société, la rendant plus vulnérable aux fluctuations du marché et incapable de réagir rapidement face à des imprévus», explique-t-il.

Selon lui, les difficultés de l’enseigne ont été accentuées par deux événements majeurs fin 2017. D’abord, la faillite de la chaîne de supermarchés koweïtienne The Sultan Center (TSC) en octobre, qui a provoqué une crise de confiance chez les fournisseurs, qui par conséquent ont raccourci les délais de paiements accordés aux supermarchés, aggravant les problèmes de trésorerie de Bou Khalil. Puis la démission surprise du Premier ministre en novembre qui a provoqué une crise de confiance chez le consommateur et une baisse générale des dépenses de consommation.

Restructuration

En décembre 2017, le conseil d’administration de Bou Khalil décide d’entreprendre une profonde restructuration du groupe pour optimiser les frais de fonctionnement. Quatre enseignes ferment leurs portes (celles de Mkallès et d’Antélias, puis celles de Damour et de Jbeil) et les effectifs sont réduits de 430 employés répartis sur onze enseignes à environ 300 employés répartis sur les sept enseignes restantes. «Nous profitons de la situation actuelle pour repenser notre positionnement sur le marché et déployer une nouvelle stratégie», affirme Wajih Bou Khalil, sans vouloir en dire davantage pour le moment.

En parallèle, «nous négocions avec nos fournisseurs pour obtenir une prolongation des délais de paiements en misant sur notre historique et sur les relations solides qui nous lient depuis des années avec certains d’entre eux», poursuit-il. Des discussions sont également en cours avec des banques pour mettre fin à 15 ans d’interdiction de crédits. «En principe, une solution devrait être trouvée prochainement, qui nous permettrait à nouveau de bénéficier de certaines facilités bancaires et nous aiderait à améliorer notre situation », dit-il. Le salut pourrait venir aussi d’ailleurs, d’«une relation stratégique avec un autre acteur».

Selon Wajih Bou Khalil, «des discussions ont actuellement lieu avec un partenaire pour un éventuel accord».


Le groupe en quelques chiffres

Date de création : 1935 par Youssef Gergi Bou Khalil.
Nombre d’enseignes : sept situées à Tripoli, Kousba, Feytroun, Koraytem, Baabda (2) et Taanayel, après la fermeture de celles de Jbeil, Antélias, Damour et Mkallès.
Chiffre d’affaires : 63 millions de dollars en 2017.
Nombre d’employés : 300.